La revue d'architecture et de design
AD Intérieurs 2015 : La scénographie par Adrien Gardère
Poursuivons notre reportage complet sur l’exposition AD Intérieurs 2015, suite au montage, voici la Scénographie et explication d’Adrien Gardère.
La scénographie, juste et sobre, semble faire partie intégrante de la salle Hypostyle du Palais d’Iena dessinée par l’architecte Perret en 1937. Signée par le Studio Adrien Gardère, BED s’est entretenu avec ce dernier (également scénographe de la seconde édition du salon Révélations) :
– Quelle est votre démarche créative ?
J’ai un studio de design, de muséographie, de scénographie. Nous ne faisons pas beaucoup d’architecture d’intérieur, ce n’est pas vraiment notre domaine de prédilection. En revanche nous faisons beaucoup de musées.
Nous avons fait le Louvre Lens, le musée des Antiquités Romaines avec Foster, la Royal Academy à Londres, nous venons d’ouvrir le musée Aga Khan à Toronto, le musée Franco-Américain, un musée à Cayenne avec Moreau Kusunoki, donc nous avons beaucoup de travaux et de projets qui ont trait à des enjeux de contenus, essentiellement. C’est à dire comment rendre intelligible, lisible, visible au plus grand nombre des oeuvres d’art, des propos d’historiens de l’art, des commissaires, de directeurs de musée, d’archéologues…
Mon travaille consiste à être à réfléchir à la jonction entre les gens qui sont détenteurs d’un certain savoir et qui cherchent à le rendre public et des espaces donnés, des espaces patrimoniaux contemporains, des architectures complètes qu’on conçoit avec les architectes dans un dialogue très étroit comme c’est le cas avec Foster pour le musée de Narbonne.
Ce qui est très intéressant avec AD est que l’on change de lieu à chaque fois. La nef du Musée des Arts Décoratifs était déjà un défi puisque c’est un espace extrêmement imposant et monumental et cette année la salle Hypostyle de Perret au Palais d’Iena est un autre lieu très imposant.
La démarche créative – puisque c’est le terme que vous avez utilisé – c’est avant tout une démarche d’écoute et d’observation. L’objectif n’est pas de dessiner une forme libre qui serait celle qui me vient à l’esprit. Ce qui m’intéresse avant tout c’est de réfléchir aux enjeux et aux contextes, à l’environnement, aux objectifs et d’observer et écouter l’ensemble de ces éléments qui sont pour moi déterminants. Ici bien évidement l’architecture est déterminante, il y a la nécessité d’offrir à chaque décorateur une volumétrie, un espace dans lequel il puisse intervenir, faire en sorte qu’ils soient tous un peu à la même enseigne, que le traitement de chacun soit équilibré, ce sont là les données du problème.
Après il s’agit de réfléchir et regarder l’espace, l’architecture de Perret, les matériaux, la configuration, les trames, la structure du bâtiment et ensuite les choses se dessinent un peu d’elles mêmes, comme une espèce de réponse je l’espère la plus pertinente, la plus juste compte tenu de l’ensemble de ces éléments. Donc c’est moins une approche stylistique, purement formelle qu’une vraie réflexion sur un contexte et sur des enjeux et des objectifs.
C’est l’observation de ce contexte, la prise en compte de ces enjeux, la mesure de ces objectifs qui apportent un réponse qui tout d’un coup semble évidente. Et au vu de la réaction des gens au vernissage d’AD Intérieurs je pense que cela à l’air assez évident. J’ai l’impression que les gens s’approprient et comprennent immédiatement ce qui est à l’œuvre et ce qui se raconte. Si les gens se l’approprient immédiatement à ce moment là je pense que c’est alors réussi parce que ça veut dire que les gens se sentent partie prenante de ce qu’ils voient, ce dans quoi ils évoluent, de l’espace dans lequel ils déambulent et c’est vraiment là l’objectif de mon travail.
Cela semble extrêmement simple, ce sont des boites, des grands cubes qui sont plus ou moins disposés soit de façon parallèle à la trame de la salle Hypostyle, soit orientées à 45 degrés , mais qui reprennent un mouvement déjà présent dans les luminaires de la salle. La matière est dictée par le béton parce que évidement nous sommes dans un endroit qui est historiquement très important et parce que Perret est un architecte extrêmement important du béton.
– Il s’agit de votre seconde intervention sur la scénographie d’AD Intérieurs. Quelles sont vos impressions ?
Nous avons fait AD Collections au Ministère des affaires étrangères mais c’était un évènement d’une envergure différente puisque là il s’agissait de montrer du mobilier et des luminaires de créateurs et décorateurs et que l’intervention scénographique était beaucoup plus discrète et également beaucoup plus mesurée en terme de moyens puisque AD Intérieurs est beaucoup plus considérable.
C’est donc la troisième fois que nous travaillons avec AD sur ces opérations dites AD Collections et AD Intérieurs. Aussi bien aux Arts Décoratifs qu’ici au CESE nous avons réussi à trouver une réponse pertinente, dans la production qui est celle de la décoration, du design, de la mode… aujourd’hui je pense que la pertinence et la justesse sont des éléments déterminants parce qu’en fait relativement rares.
Je préfère trouver et chercher les réponses les plus justes possibles parce que c’est dans ce cas là que le public peut les faire siennes. On ne leur impose pas quelque chose de trop artificiel. Dans les musées la relation à l’œuvre, la compréhension, faire en sorte que le public ait le sentiment qu’il a les armes et les outils, qu’il a le droit de regarder, de déambuler, d’élaborer et d’établir une relation avec ce qu’il voit est quelque chose de très important parce que dans le cas contraire on met en place des processus de mise à distance voir même parfois d’humiliation c’est à dire des dispositifs où les gens se sentent exclus et ou ils ont le sentiment qu’ils n’ont pas les ressources, voir le droit, la légitimité d’être là et à établir une relation avec des œuvres qu’ils ne connaissent pas nécessairement.
Ce qui me semble très important c’est précisément de faire en sorte que les gens se sentent bien et légitimes dans l’établissement d’une relation avec ce qu’ils voient. C’est le cas de la grande galerie du Louvre à Lens qui est vraiment un lieu d’une grande accessibilité je pense, qui laisse entrer, qui est accueillant, cela participe dans l’architecture de Sanaa, sur le paysagisme de Catherine Mosbach, tout y participe.
Ici à AD Intérieurs, dans une échelle différente – il y a des œuvres d’art dans les décors des décorateurs d’intérieur – c’est encore une fois de faire en sorte que les gens comprennent tous les enjeux qui sont ceux à la fois d’un groupement d’architectes d’intérieur mais aussi d’individualités isolées. On peut voir ensemble mais aussi de façon distincte, une déambulation dans une salle qui n’est pas dédiée pour accueillir cela, comment on créer tout ça pour que ce soit pertinent, juste, naturel et fluide, et que les gens se sentent bien.
Exposition AD Intérieurs 2015
Période : du 5 au 20 Septembre 2015 de 14h à 18h (entrée libre sur présentation d’une pièce d’identité)
Lieu : Palais d’Iéna – 9, place d’iéna Paris
crédit photo (si non libellé): SeenByKloé pour Blog Esprit Design.
Plus d’info sur l’exposition : AD Intérieurs 2015
Retrouver l’intégralité de notre dossier : BED – AD Intéieurs 2015
@ Martin Napoleoni Je ne suis pas critique d’architecture mais on dirait du Auguste Pierret, de l’ordre du béton armé du XX ème siècle comme le Corbusier revisité en cubes par un archi japonais contemporain comme Tadao Ando… C’est parfaitement disposé en arrête entre les colonnes et illustre bien le thème de l’expo le futur sans se mettre la tête au carré. J’ai quand même l’impression de l’on rentre dans le futur simplement entre les cubes car la haute décoration est quand même plus tourné vers l’artisanat d’art que vers le design industriel, plus tourné vers le luxe que vers design de boutique du quidam même CSP+