Teintures naturelles au cœur du cognac, un dialogue entre la terre, l’artisanat et le temps.

Teintures naturelles au cœur du cognac, un dialogue entre la terre, l’artisanat et le temps.
18 juillet 2025 /
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Parmeet est une artiste d’origine indienne installée depuis plusieurs années en France dans le sud-ouest.

Son travail s’articule autour de la teinture naturelle et de l’expérimentation avec l’environnement qui l’entoure. Elle s’inspire des traditions ancestrales indiennes et travaille sur des projets en collaboration avec différents artistes, communautés et fondations d’art. Elle puise de son ancrage culturel et familial ses idées, associées à une forte volonté de respect et valorisation de l’environnent que lui a transmis son grand père.

Teintures naturelles au cœur du cognac, un dialogue entre la terre, l’artisanat et le temps.

Le territoire de cognac, un premier territoire d’experimentation :

Après un double master en Spiritueux et management viticole, elle découvre l’industrie du cognac et tous les savoirs faires et traditions qui y sont associées. Elle remarque que dans cette industrie, le raisin est l’attention principale car c’est avec lui que l’on va obtenir le cognac. La terre et les feuilles de vignes sont en revanche un peu mises au second plan. Pourtant, pour elle, les feuilles autant que les raisins ont une valeur, ils font partis d’un écosystème, essentiel autant que les raisins pour la production de cognac.

Cet écosystème, elle l’a mis en avant avec son projet : « The Saree Offering: From Grapes Leaves ». Comme un hommage à la terre, elle a utilisé des feuilles de vignes biologiques pour teindre un saree de soie, ce long tissu utilisé traditionnellement en Inde par les femmes pour se vêtir. Elle met en avant cette terre et ces vignes sans pesticides, et montre que toute les ressources de cette terre ont de la valeur et peuvent être utilisées et valorisées.

De ce projet, elle a obtenu une couleur jaune intense et dorée, qui résonne avec la couleur des raisins. Elle montre la beauté du Cognac tout en célébrant une agriculture plus responsable. Il était important pour elle que le processus de teinture soit réalisé directement au milieu des vignes, elle a donc réalisé ce projet in situ, comme un dialogue entre le tissu, l’artiste et les vignes.

Teintures naturelles au cœur du cognac, un dialogue entre la terre, l’artisanat et le temps.

La couleur, pour moi, n’est pas une simple surface, mais la mémoire vivante de la Terre. Des sous-produits de la viticulture, des résidus forestiers et des restes des Fabricants de tonneaux, en passant par l’indigo en fermentation, chaque matériau
Porte une histoire — une histoire prête à être révélée “

Elle a fondé son studio Holika Lab en 2020 afin de pousser l’expérimentation de la couleur à partir de matière naturelle. Elle teint différents tissus (lin, soie, chanvre) mais aussi du papier, bois et plus récemment du mycélium.

L’indigo, le point de départ de son travail :

Historiquement, la culture de l’indigo a commencé dans le nord de l’Inde notamment dans la région du Punjab d’où est originaire son grand père. Dans cette région, le bleu extrait de la plante indigo était utilisé et porté traditionnellement par les Maharastra pendant les périodes de guerre. En effet le bleu était associé au pouvoir. Par la suite, l’indigo s’est répandu peu à peu jusqu’à s’exporter dans d’autres pays notamment en Europe. Le commerce entre l’Inde et l’Europe a fortement aidé à cette diffusion dont le commerce du cognac. En effet, il était vendu en Inde par les commerçants qui, pour ne pas faire un voyage à vide, ramenaient dans leurs tonneaux des épices et autres trésors dont l’indigo.

Parmeet a initié son projet autour de l’indigo en commençant par la plante elle-même. Elle a semé des graines, pour voir comment cette plante peut s’adapter à un nouveau climat, sur une terre calcaire et argileuse, alors qu’elle a besoin d’un environnement plutôt humide habituellement. C’est une démarche pour montrer que la plante peut s’adapter si on la respecte ainsi que son environnement. Son objectif est de montrer aux vignerons que l’on peut cultiver de manière naturelle en respectant la terre, les graines, et prendre le temps, nécessaire à la plante pour se développer d’elle-même. C’est donc un lent processus dont il faut accepter le rythme sachant qu’il faut 6000 plantes pour arriver à extraire 1kg d’indigo.

Prameet expérimente au grès des saisons, en fonctions de sa récolte. Elle sait que la couleur ne sera peut-être pas la même d’année en année, la nature évoluant constamment. Elle défend l’irrégularité apportée par la nature tandis que d’autres cherchent à tout prix l’uniformité. La perfection n’est pas possible si l’on se synchronise avec le rythme de la nature.

Teintures naturelles au cœur du cognac, un dialogue entre la terre, l’artisanat et le temps.

Son positionnement est aussi de réduire l’impact global de l’industrie textile. Elle veut produire avec les ressources disponibles localement, sans avoir à dépendre des produits importés de d’autres pays. Pour elle, respecter la nature, c’est respecter l’humain, et les hommes qui cultivent cette terre. Elle veut valoriser l’artisanat local afin de célébrer le territoire, mais aussi interpeller chacun à réévaluer notre impact sur l’environnement.

Un travail qui ouvre le champ des possibles

Son travail ne s’arrête pas seulement à l’indigo. En effet, elle expérimente avec tous les ressources disponibles autour d’elle, que ce soient des plantes, déchets issus de l’agriculture, résidus de bois ou encore des déchets alimentaires. Chacun de ces éléments a une couleur particulière. Elle étudie la science afin de comprendre encore plus comment les pigments et les couleurs fonctionnent.

« En tant artiste Indienne, je fais souvent face au challenge d’être associée uniquement à l’artisanat, plutôt que d’être reconnue en tant qu’artiste ou chercheuse, travaillant avec des savoir-faire et matériaux innovants. En France, la teinture naturelle n’est pas formellement reconnue en tant que métier d’art. Cette activité est souvent associée au design textile, sans reconnaitre tous les savoirs faire et la technicité derrière cette pratique. »

En 2023, Parmeet a animé un atelier communautaire à la Fondation d’Entreprise Martell, intitulé Ordinary Extra !. L’atelier a exploré l’intersection de l’artisanat, de la durabilité et des matériaux locaux à travers les teintures naturelles et le design durable. Les participants ont travaillé avec des déchets de vignoble et des tanins de chêne sur des matériaux en soie et en papier, créant ainsi une plateforme unique pour l’échange culturel et l’artisanat durable. Ces ateliers offrent aux participants les outils et les connaissances pour expérimenter avec des matériaux écologiques, les aidant à comprendre comment les ressources naturelles peuvent être transformées en créations fonctionnelles et significatives. L’accent mis par Parmeet ne réside pas uniquement sur le produit final, mais aussi sur la création d’une connexion plus profonde avec la terre, les matériaux et le processus de fabrication.

Plus récemment elle a collaboré avec l’artiste et poète Stevie Ronnie pour son projet Tracing Indigofera.
Elle a proposé à Stevie d’écrire un poème en braille afin que celui-ci puisse résonner avec son travail de recherche autour de l’indigo. La première pièce issue de cette collaboration and for you (love) a été conçu entre cognac et Northumberland et produit physiquement dans l’état du Gujarat en Inde. Parmeet est allée à la rencontre des tisseurs en Inde afin de les guider pour la réalisation de l’œuvre.

Avec ce projet, elle met en avant le parallèle entre le tissage traditionnel indien Tangaliya et le braille, qui est un langage tactile et sensible. Comme si le braille et le Tangaliya était un langage commun à travers ce projet. C’est une œuvre à la fois visuelle et tactile, une fusion entre forme et émotions. La braille et le Tangaliya repose sur le travail de la main comme outil pour lire, tisser, et se souvenir. En associant les deux, Tracing Indigofera devient un media de visibilité, dignité et met en avant les formes invisibles de travail, d’amour et d’héritage.

Les opportunités de la teinture naturelle :

La teinture naturelle peut être utilisée et appliquée dans différents domaines du design comme le design d’objet, de mode ou le design d’espace, la couleur pouvant etre appliquée a différentes surfaces. Mais il est encore rare de voir cette technique utilisée concrètement par les designers et surtout par les grandes marques qui recherchent une certaine uniformité, difficilement atteignable avec ce savoir-faire traditionnel. Les projets de teinture naturelles restent toujours en surface, sans réelle intégration concrète dans la chaine d’approvisionnement.

Bien que l’engouement grandît de plus en plus pour une mode plus durable et responsable, les consommateurs sont encore dans une période de transition, il faut donc valoriser ces initiatives, les artistes, designers et les marques engagées dans pour cause. Si cette démarche a pour but de respecter et célébrer la nature, elle va bien au-delà et permet finalement d’améliorer le respect des hommes et de leur terre.

Parmeet est ouverte aux collaborations avec des designers et artistes.

Merci à Mathilde pour sa première contribution sur BED, designer expatriée elle va apporter un regard différent sur les méthodes, les coutumes et opportunités pour un designer.

En savoir plus sur l’artiste : Parmeet

By Blog Esprit Design


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À propos de l'auteur
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Mathilde Liegeois
Rédactrice chez 
Designer expatriée depuis quelques années en Inde, j'aime faire de nouvelles rencontres créatives et découvrir des savoirs faire.

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