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Nos pieds d’argile : matali crasset interroge notre rapport au vivant et à l’habiter à l’occasion de la Biennale de design de Saint-Etienne
Installée dans l’emblématique église Saint-Pierre de Firminy, œuvre ultime de Le Corbusier, l’exposition Nos pieds d’argile – À la recherche d’une habitabilité pragmatique, conçue par matali crasset, s’inscrit dans le cadre du programme de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2025.
Accessible du 18 avril 2025 au 11 janvier 2026, cette installation immersive et engagée met en scène un design réflexif, prospectif et profondément humain et nous vous recommandons de faire la déplacement !
Un triptyque pour repenser notre manière d’habiter
L’exposition s’articule en trois temps, trois visions de conception pour interroger, réparer et préparer notre rapport au monde. Ce parcours progressif propose des projets concrets, des dispositifs collaboratifs et des architectures expérimentales :
- Réparer le terrain : un espace de discussion collectif pensé comme une agora fluide, avec des tabourets mobiles, une structure boisée centrale et une scénographie participative. L’objectif : créer un commun, poser les bonnes questions et documenter nos débats. A découvrir aussi dans ce cadre, une installation à l’extérieur du lieu d’exposition pour activer un séchoir collectif avec les étudiants de la HEAD Genève.
- Réhabiter le terrain : à travers une cabane symbolique inspirée de Thoreau, cette étape met l’accent sur les attachements – sociaux, écologiques, émotionnels – que nous entretenons avec notre environnement. L’accent est mis sur une reconnexion aux territoires et aux êtres qui les habitent.
- Préparer le terrain : à l’image d’une pit house néolithique réinterprétée, matali propose une micro-architecture surélevée où les déchets deviennent ressources, favorisant une trame d’usage fondée sur la circularité et l’interaction avec le vivant.
Popline Fichot, parenthèse enchantée de la nouvelle génération
Le studio matali crasset, c’est aussi une histoire de famille. On connaissait Francis Fichot, partenaire dans la vie et dans le travail de la designer, mais bien moins Popline Fichot, leur fille, pour laquelle l’exposition Nos pieds d’argile est l’occasion de mettre l’accent sur son univers. On vous invite à découvrir ses différentes oeuvres, parmi lesquelles les grandes tissages baptistés Les mites parallèles.
Un design à hauteur d’humain : entre manifeste écologique et démarche sensible
Fidèle à sa pratique transdisciplinaire, matali crasset conçoit ici un design ancré dans l’écologie relationnelle, l’interdépendance et la co-création. Formée à l’ENSCI, elle développe depuis plus de 30 ans une approche mêlant art, sociologie, anthropologie et écologie. Elle conçoit chacun de ses projets comme une œuvre collective, vivante, où le processus compte autant que l’objet fini. Un design à vivre, à sentir, invitant les visiteurs à ressentir ses créations.
Dans Nos pieds d’argile, elle son projet non plus orienté vers l’objet mais vers le lien. Il s’agit de construire des « scénarii de vie », d’imaginer de nouvelles formes d’habitabilité et d’agir pour une société plus durable et inclusive.
Notre coup de cœur, la Maison de la restitution
On accède à la maison de la restitution par une rampe, avant de monter légèrement : elle est posée sur une butte de terre, à environ un mètre du sol. Cette élévation n’est pas seulement structurelle, elle crée une véritable zone-tampon entre l’habitat et le sol. Cet espace intermédiaire devient un lieu d’exposition et de gestion des déchets, les rendant visibles, accessibles, et surtout transformables en ressources.
Photo : matthieu coin / BED
C’est une interface active, un lieu d’échange dynamique entre les habitants et leur environnement. Elle facilite les gestes de restitution, tout en instaurant une trame d’usage qui permet de renouer avec des savoir-faire ancrés dans une logique élargie du « prendre soin » — non seulement des humains, mais aussi du milieu dans lequel ils vivent.
La maison elle-même devient ainsi un vecteur d’apprentissage quotidien du vivant. Grâce à une organisation pragmatique des usages, centrée autour et à l’intérieur de l’habitat, elle favorise l’émergence d’une culture domestique durable. Sa surélévation permet également un accès direct, depuis l’extérieur, aux différents contenants disposés en périphérie.
Certains de ces réservoirs sont accessibles depuis l’intérieur, via des trappes intégrées à l’avant de la structure. Une architecture pensée pour articuler l’usage, le geste, et la conscience écologique.
Un lieu, un geste : l’église Saint-Pierre comme écrin poétique
Plus qu’un simple contenant, l’église Saint-Pierre – achevée par José Oubrerie après la mort de Le Corbusier – devient un acteur central de l’exposition. Son architecture brutaliste et spirituelle incarne la transition entre passé et futur, entre sacré et profane. L’espace devient support de narration, espace de projection et d’expérimentation.
Le projet résonne ainsi fortement avec la thématique 2025 de la Biennale, Ressource(s), présager demain, en engageant les visiteurs dans une réflexion collective sur l’habiter de demain : plus local, plus sobre, plus solidaire.
Outre l’exposition elle-même, une riche programmation est proposée : ateliers pour enfants autour du réemploi, visites guidées et en langue des signes, rencontres avec matali crasset, conférence à l’ESADSE.
Un catalogue de l’exposition est également disponible sur le site Le Corbusier à Firminy.
En savoir plus sur la designer : matali crasset
En savoir plus sur l’évènement : Biennale Internationale du design de St Etienne
Crédits photo, sauf mention contraire : Arnaud Frich / église Saint-Pierre / Site de Firminy