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Design textile : formes souples et esprits libres par Gaspard Fleury-Dugy

Le fil est le point de départ, la maille le langage, et le volume, l’accident heureux. Dans le projet Soft Objects, le designer et plasticien français Gaspard Fleury-Dugy explore les frontière entre textile, sculpture et objet décoratif.
Avec une approche intuitive du tricot 3D, il transforme l’échantillon en structure, la matière en forme, la couleur en vibration, par un tissage spécifique et une technique propre, les éléments deviennent formes.

Issus d’une pratique nourrie par l’expérimentation textile et un goût affirmé pour le jeu graphique, ces objets intriguent. Ni tout à fait vases, ni seulement colonnes, ils évoquent autant les amphores antiques que les architectures sensuelles d’Oscar Niemeyer. Le tricot devient ici un geste plastique : répétitif mais jamais identique, calculé mais ouvert à l’imprévu.
La technique employée, héritée du tricot 3D, détourne un procédé industriel souvent utilisé dans le sportwear pour en faire un outil de création ornementale et sculpturale. Chaque pièce est unique, composée à partir d’une bibliothèque prolifique d’échantillons. Le designer les considère comme des vagues, multiples, jamais figées rappelant les cycles sans fin de la mer observée par Monsieur Palomar, référence filée avec délicatesse dans le projet.
La richesse du projet tient aussi à son vocabulaire coloré. Les combinaisons de teintes, souvent contrastées, puisent autant dans les textiles wax africains, les perles massaï, que dans l’audace chromatique du mouvement Memphis. À cela s’ajoute une influence plus contemporaine, presque digitale, visible dans les rythmes pixelisés de certaines pièces. Ce dialogue entre tradition textile et esthétique numérique dessine un territoire singulier, à la fois artisanal et technologique.
Du point de vue des matériaux, les objets sont tricotés d’un seul tenant, sans découpe, ni couture, grâce à une machine pensée comme une imprimante 3D textile. Ce procédé limite drastiquement les pertes de matière, une dimension éthique et environnementale rarement associée à une telle expressivité formelle. L’objet prend vie dans la continuité du fil, comme un croquis en trois dimensions. Le fil devient trait, la surface devient peau.
Cette hybridation entre machine et main, entre geste programmé et intuition sensible, rappelle certains projets déjà présentés sur le blog, comme ceux de Marianne Guély et ses volumes de papier sculptés ou encore les recherches textiles de Julie Richoz. Chez Gaspard Fleury-Dugy, la maille joue un rôle de structure mais aussi d’émotion visuelle, tactile et symbolique.
Soft Objects continue d’évoluer : après une première série dédiée aux vases en 2024, la collection de 2025 s’oriente vers les colonnes totémiques. On y perçoit une forme de narration verticale, un empilement de volumes presque cérémoniel. Ces objets à l’apparence douce, presque gonflée, semblent respirer. Entre sculpture textile et artefact domestique, ils questionnent notre rapport à l’objet : ornement, fonction, totem, abstraction ?
Présenté à Milan, Paris, Eindhoven et bientôt Osaka dans le cadre de l’Exposition Universelle 2025, le travail de Gaspard Fleury-Dugy interroge l’avenir des formes dans un monde où la matérialité devient langage. Et si l’objet de demain était avant tout une surface, sensible, souple, poétique ?
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