La revue d'architecture et de design
La vespa qui voulait rejoindre la lune – visite des ateliers de création Dedar
Échappée belle en Lombardie, région spécialisée depuis des siècles dans la production de tissus précieux, pour la visite des showroom, atelier, studio de création et fabrique des tissus Dedar. Cette maison italienne indépendante crée et fabrique à son propre rythme. Dedar est une histoire de famille, d’artisans aux savoir-faire traditionnels, qui tous ont un goût immodéré pour l’expérimentation, les défis techniques mais aussi une passion pour les tissus précieux et la permanence du raffinement.
Tissus de soie, moirés, jacquards, cotons, taffetas, aux couleurs vibrantes et variées, tissus unis, à motifs, brodés, fluides. Passementeries, franges, galons, soutaches, cordons et embrasses mais aussi papiers peints tel est l’inventaire d’une partie des créations de Dedar. Dedar a habillé des palais, des hôtels, le Costes à Paris, le Skygardens de Dubaï, des restaurants comme Monsieur Bleu au Palais de Tokyo, le restaurant de l’hôtel Vendôme. Elle a collaboré avec la maison Hermès ou avec des designers tel que Stephen Burks, Bruno Frisoni ou Michele Bönan.
On reste admiratif par le chemin parcouru par cette entreprise familiale depuis ses débuts à Milan où « l’on passait les rouleaux de tissu par les fenêtres » à cette société mondiale qui a su innover, prendre des risques tout en gardant son indépendance financière et sa liberté de création. Un véritable luxe par les temps qui courent. Dedar est à l’heure actuelle une maison d’envergure internationale.
Raffaele et sa sœur Caterina ont hérité de l’entreprise construite par leurs parents. Parmi les défis relevés par cette fratrie, on peut citer le projet de création d’une machine à tisser d’ameublement de 3 mètres de large et non plus du standard d’1m80. Cette innovation, en apparence anodine, nécessite la réingénierie complète du transport, de la logistique et aussi de l’outil de production. Au vu du cahier des charges, le fabricant de la machine a estimé qu’on lui demandait « de rejoindre la lune en Vespa ». Chaque nouvelle création de textile est d’une certaine manière un défi. La mise au point d’un tissu représente entre un an et trois ans de travail.
Ce processus de création commence par des recherches graphiques, des dessins, des collages. L’inspiration évolue entre tissus anciens, matières de style et d’époque différentes, palettes de couleurs, textiles actuels achetés au quatre coins du monde ainsi qu’aux archives de la maison. Les ateliers de créations sont un véritable bric à brac de références, où se côtoient catalogues d’expositions, échantillons de matière, photographies, collages et moodboard. La confidentialité de leurs prochaines créations n’autorise pas les témoignages photographiques de cette partie passionnante de leur processus de travail.
L’élaboration technique d’un textile est une tâche complexe qui débute dès le choix des fils. Un tissu peut être réalisé avec les mêmes matières en chaîne et en trame, ou au contraire avec des matières premières différentes. La composition des fils constituant la chaîne et la trame peut être homogène ou comporter deux types de matières différentes ou encore, même plusieurs matières. Dedar achète ses fils un peu partout dans le monde pour élaborer ses textiles. La recherche de la combinaison parfaite de ces fils provenant de nombreux fabricants nécessite parfois plusieurs semaines de travail.
La combinaison des matières et de la technique choisie fait l’objet d’échantillons tests qui effectuent des va-et-vient entre les studios de créations et les ateliers de fabrication. En fonction des contraintes techniques et des difficultés rencontrées, les choix premiers sont modifiés, ajustés ou bien encore repensés radicalement.
En moyenne 30 références sont ajoutées à leur collection chaque année, déclinées dans une multitude de couleurs, ce qui représente approximativement 300 nouvelles références.
La visite des ateliers de machines à tisser fascine par la rapidité et la diversité des réalisations produites. Entre réalisation en relief, à motifs, en tissus d’une épaisseur record ou encore extrêmement fine, chaque machine semble avoir été pensée pour sa production tant les réalisations sont belles et les finitions parfaites.
Certaines machines nécessitent que les fils soient raccordés manuellement à la fin d’une bobine. C’est une tâche méticuleuse qui réclame le savoir-faire d’ouvriers qualifiés. C’est de l’artisanat à une échelle mécanique et mondiale. Nous sommes bien dans le monde du luxe.
Parmi mes découvertes textiles Dedar, j’ai choisi six créations, qui ont retenu mon attention pour leur qualité esthétique, leur originalité ou pour le challenge technique qu’elles constituent.
AMOIR LIBRE est un tissu moiré, dont le procédé de création rend chaque rouleau unique. L’artisan déplace à la main le tissu entre les cylindres et détermine le dessin, la trame dévie alors légèrement et acquiert un effet ondulé par réflexion de la lumière. Le décor sinueux est déterminé par le type de pliage utilisé, qui place des reflets en forme de cercles concentriques. Toujours égal dans l’esprit de l’artisan mais toujours différent de mètre en mètre. Bien que ce textile soit un classique, l’effet d’ondulation lié au jeu de lumière sur la soie demeure fascinant, le procédé de fabrication demeurant original.
Le velours de coton HOP est décoré d’un motif circulaire dont les contours imprécis évoquent un ikat. L’ikat est un textile et aussi un procédé de teinture et de tissage classique, dans lequel le dessin est créé en teignant d’abord le fil de trame, ou le fil de chaîne, de toutes les couleurs qui vont figurer dans le motif, à des intervalles très précis, de sorte qu’au moment du tissage les éléments du dessin se créent par la juxtaposition. L’impression du textile HOP est réalisée selon la technique traditionnelle du cylindre.
Le textile CHÉRIE est un tressage de fils fins et brillants et de cordes multicolores, épaisses et mates. C’est un textile jacquard qui joue avec un entrelacs de textures, matière et épaisseurs créant ainsi des jeux de lumière et des effets de texture.
DEDAEDRO est un textile élaboré selon une technique assez complexe : c’est une l’impression sur chaîne. On imprime le motif avant de passer à la teinture qui est appliquée sur un fond irrégulier de satin. Le motif, dont les contours sont estompés afin d’adoucir sa rigueur géométrique, évoque, « un jeu de lumières sur les mille facettes d’un cristal ». C’est un textile fin extrêmement brillant.
Enfin, ADAMO & EVA est un classique de chez Dedar, c’est velours de coton. Il est d’une qualité exceptionnelle et a un tombé remarquable. Il est décliné dans un large choix de couleur, 69 teintes au total.
Merci à Alice P pour ce reportage du côté de Milan, quelques clichés de vie, hôtel Lac de Côme, Fondation Prada à découvrir sur le compte Instagram du blog.
Plus d’informations sur la marque : Dedar
Visiter le showroom parisien : 20, rue Bonaparte 75006 Paris
Superbe article merci !