La revue d'architecture et de design
Sara de.Gouy : la cour de récré comme terrain de jeu
Repenser la cour de récréation comme un véritable espace public, en faire un lieu d’imaginaire, de dialogue et d’appropriation… C’est le pari de Sara de.Gouy, architecte, designer et plasticienne.
Depuis 17 ans, Sara de.Gouy conçoit des projets à hauteur d’enfant, en les impliquant dès les premières étapes. Une démarche de co-construction exigeante, mais dont les résultats transforment durablement les lieux et les usages.
Du parking à la forêt imaginaire
En 2008, Sara de.Gouy signe son premier projet de cour de récréation à Saint-Étienne, avec le centre socio-culturel Boris Vian. Le lieu : un ancien parking. Le défi : imaginer une cour qui ne soit pas qu’un espace de passage, mais un lieu de vie, de jeu, et de création.
Avec les enfants, elle co-construit une « forêt impossible » : lisières en bordures de trottoir détournées, arbres imaginaires, mobilier sur-mesure, sol peuplé de lacs dessinés. Le tout construit avec un budget très serré et l’aide des services techniques de la ville.
Réintégrer le jeu
Depuis, Sara de.Gouy a multiplié les projets similaires. À chaque fois, la méthode reste la même : observer, écouter, puis proposer. Lors des ateliers, les enfants dessinent leur cour idéale. Un sujet revient systématiquement, pour les petits comme les plus grands : celui de la cabane, explique-t-elle, c’est une thématique d’une grande richesse, qui peut prendre de nombreuses formes.
C’est aussi une façon de réintégrer du jeu. Aujourd’hui, la plupart des écoles élémentaires n’ont pas de jeux. Pourtant, les enfants veulent encore jouer, même encore au collège, constate-t-elle.
Alors la cour redevient un lieu d’aventures.
Loin des modules standards choisis sur catalogue, Sara de.Gouy imagine des aires de jeux qui deviennent des univers à part entière, à mi-chemin entre architecture et sculpture, comme à l’école maternelle Le Cordouan de Saint-Denis.
- Sara de.Gouy : la cour de récré comme terrain de jeu
Une méthode patiente et collective
Chez Sara de.Gouy, co-construire ne se résume pas à “donner la parole” : c’est produire ensemble. Il n’y a pas de concertation sans production, insiste-t-elle.
Avant de parler forme ou mobilier, elle commence par une phase d’observation. On interroge les usages : qu’est-ce qui fonctionne ? Qu’est-ce qui manque ? Ce sont les enfants qui répondent, avec leurs mots, leurs dessins, leurs maquettes. Ils manipulent les outils du designer et de l’architecte, testent des scénarios, modélisent des idées.
Ce processus actif, pas juste consultatif, forge une vision collective du projet.
Mais impliquer les enfants ne suffit pas : il faut aussi embarquer les adultes. Enseignants, agents municipaux, services techniques… Tous ceux qui font vivre les lieux au quotidien. Et ce n’est pas toujours simple : Ce sont souvent les adultes pour qui le changement est le plus difficile, note-t-elle, parce qu’il faut tenir compte de l’entretien, des normes…
Pourtant, quand le processus fonctionne, les effets sont durables. À l’école Bergson, à Saint-Étienne, la bibliothèque conçue avec les élèves est toujours traitée avec soin, dix ans plus tard. Les enfants savent qu’elle a été pensée par d’autres enfants. Et ça change tout.
Vers une ville plus libre, plus partagée
Le travail de Sara de.Gouy ne s’adresse pas qu’aux enfants. Elle mène aussi des projets avec des habitants, les patients d’un hôpital, des usagers de tous âges. Elle intervient toujours avec la même logique de travail en ateliers. Entre architecture et design, elle compose des espaces publics pensés pour ceux qui les vivent.
Le projet Il était une ville, conçu pour la Galerie des enfants du Centre Pompidou, prolonge la démarche de Sara de.Gouy à l’échelle de la ville. Pendant plusieurs semaines, deux classes de CE1 et CE2 ont exploré leur quartier, dessiné, raconté, imaginé. Ensemble, ils ont pensé une ville à hauteur d’enfant, peuplée de passages piétons arc-en-ciel, de façades colorées, d’un arbre à vœux… et d’une cabane évidemment.
L’exposition qui en résulte est à la fois ludique et universelle. Elle joue sur les formes, la couleur, les matières familières, pour parler à tous les enfants, d’ici ou d’ailleurs. Pas de modèle figé, mais une ville ouverte, vivante, où chacun peut projeter son propre récit. Une ville réinventée depuis le sol, vue avec les yeux de ceux qui la traversent chaque jour sans y avoir voix au chapitre.
©Laura Samoilovich, 2025
Pour Sara de.Gouy, intervenir dans l’espace public est un engagement. Je ne travaille que sur des projets publics, affirme-t-elle. Cela touche tout le monde et transforme le quotidien.
Un choix assumé de créer pour des lieux ouverts à tous, en lien direct avec la vie de tous les jours. Là où les normes, les budgets et la standardisation pèsent, Sara de.Gouy cherche à faire place à l’imaginaire.
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Merci à Sarah, pour sa 1ère contribution sur BED !