La revue d'architecture et de design
Le Relais des Mobilités : un mobilier public à l’échelle d’un territoire

Repensé à l’échelle d’un territoire, le mobilier urbain peut devenir un vecteur puissant de transformation des usages. C’est dans cette logique que s’inscrit le Relais des Mobilités, un mobilier d’arrêt multi-mobilité récemment installé à Meymac, au cœur de la Haute-Corrèze.
Conçu pour répondre aux réalités d’un territoire peu dense, ce projet illustre comment le design peut accompagner les collectivités dans leur transition vers une mobilité plus inclusive, solidaire et durable.
Des sujets, environnement où la vision, les méthodes des designers peuvent aider à trouver de nouvelles solutions… Faisant écho aux interviews diffusées sur BED, notamment celles de Céline David (AREP) et Manon Palie (Designer de services).
Ici pour ce projet, la Haute-Corrèze Communauté, qui regroupe 70 communes et plus de 32 000 habitants en Nouvelle-Aquitaine, a missionné le designer industriel Jean-Christophe Devatine afin de concevoir une solution capable de rassembler, dans un même lieu, l’ensemble des services de mobilité disponibles : bus, transport à la demande, covoiturage, auto-stop organisé, autopartage, vélo.
L’enjeu : proposer une interface lisible, accessible, activable, dans un contexte marqué par une forte dépendance à la voiture.
Un projet pouvant faire écho, aux bornes / bancs de covoiturage, où chacun peut attendre en indiquant sa destination (un retour aux services entre les habitants, là où les transports ne sont pas ou peu développés)
Un mobilier pensé comme un point de convergence
Loin de la simple station d’arrêt, le Relais des Mobilités propose une approche plus haute, voir holistique. À travers une série d’équipements intégrés, il devient un point de repère local, à la fois informatif, fonctionnel et participatif :
- Un abri couvert avec assises pour attendre dans de bonnes conditions,
- Une signalétique illustrée et complète, synthétisant les offres de mobilité locales (plans, horaires, modalités de réservation, tarifs),
- Un système de panneaux coulissants, permettant à l’usager de signaler son besoin : autostop, covoiturage, bus,…
- Une station de réparation vélo en libre service (pompe, clés, démonte-pneus…), Une très bonne idée !
- Un accès à une ligne téléphonique dédiée et à une plateforme d’écoute, pour recueillir témoignages, retours d’usage et besoins,
- Un éclairage autonome et programmable, alimenté par énergie solaire.
L’ensemble repose sur une structure auto-lestée : un leste en granit de 1,2 tonne, une ossature en mélèze massif, une toiture en acier galvanisé. Aucun encrage, aucun raccordement électrique : le mobilier peut être installé ou déplacé sans lourds travaux, s’adaptant aux contextes variés du territoire.
C’est ainsi aux usagers de prendre soin de cette espace, qu’il vive et ne se dégrade pas, venant pourquoi pas accueillir de nouveaux services (partage de livres par exemple)
Une approche modulaire et évolutive
Au-delà de la première installation à Meymac, l’ambition est claire : permettre la réplicabilité. Le système volontairement simple, a été conçu pour pouvoir évoluer, s’adapter, être décliné en plusieurs formats notamment une version plus compacte et économique, actuellement en développement.
Cette modularité ouvre la voie à un déploiement plus large, dans d’autres communes ou pour d’autres usages : arrêts touristiques, signalétique culturelle, points d’information publique…
La fabrication du mobilier a été confiée à Gaël Jocteur Monrozier (Atelier Hors-Série), tandis que les illustrations ont été réalisées par Antoine Maréchal, renforçant la lisibilité et la pédagogie de l’ensemble.
Le design au service de l’intérêt général
Ce projet incarne une certaine vision du design public. Celle d’un design situé, ancré dans les usages, les contraintes et les aspirations d’un territoire. Un design qui ne cherche pas à faire table rase, mais à renforcer ce qui existe déjà, en apportant lisibilité, confort, flexibilité.
Le Relais des Mobilités est aussi le fruit d’un travail de concertation avec les habitants et les acteurs locaux. Cette dimension participative alimente la pertinence du dispositif, tout en renforçant son appropriation sur le terrain. Le design devient ici médiateur, facilitateur, catalyseur.
Un designer engagé, à la croisée des champs
À l’origine du projet : un designer industriel formé à l’ENSCi Les Ateliers, passé par l’agence de design d’intérêt général Vraiment Vraiment, avant de lancer son activité indépendante en 2024. Avec une pratique centrée sur l’intérêt général, il accompagne les collectivités dans la conception de solutions concrètes pour la mobilité, le paysage, les espaces publics ou encore la santé. Son approche : relier le design de produit au design de service, en lien étroit avec les contextes d’usage.
Vers une nouvelle grammaire du mobilier public ?
Alors que les questions de mobilité, d’accessibilité et de transition écologique s’invitent dans tous les territoires, des projets comme le Relais des Mobilités interrogent notre manière d’aménager l’espace public. Comment créer des infrastructures à la fois utiles, désirables et appropriables ? Comment faire du mobilier urbain un levier d’action local, et non un simple équipement standardisé ?
À l’heure où les collectivités cherchent des réponses souples, évolutives et humaines, ce type d’expérimentation ouvre des perspectives stimulantes. La suite ? Proposer ce mobilier à d’autres territoires, en adaptant à chaque fois le dispositif aux spécificités locales.
Le design, une fois de plus, démontre qu’il peut être un outil stratégique pour penser les mobilités de demain — à hauteur d’habitant.
En savoir plus sur le designer : Jean-Christophe Devatine
©Jean-Christophe Devatine