Rencontre : Vincent Gravière, le designer doit jouer le rôle de perturbateur positif

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28 octobre 2025 /
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Poursuivons notre série de rencontres, à les découvertes des studios, agences, designers qui gravitent autour de BED et qui nous inspirent ! Des talents parfois cachés, parfois là où on ne pense pas voir du design, intervenant, participant à des projets qui changent et influencent nos quotidiens.

Après Alexia Audrain, Céline David, Manon Palie, Tamim Daoudi, Gauthier Flagel ..

Partons à la rencontre de Vincent Gravière, designer et fondateur / relanceur de DA / Designers Associés

Rencontre : Vincent Gravière, le designer joue le rôle de perturbateur positif

Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Cela fait maintenant une quinzaine d’années que j’exerce en tant que Designer. Diplômé de l’ESAAB de Nevers et de Strate Collège Designer, j’ai un double diplôme en design produit et en design de mobilité. Je suis animé par une passion pour la création, au sens large. J’aime concevoir, expérimenter, esquisser, bricoler et résoudre des problèmes. 

Ces années d’expérience m’ont également permis de développer un sens de l’écoute ainsi que la capacité à analyser, comprendre et répondre aux différentes problématiques rencontrées dans mon métier.  Aujourd’hui, je m’investis dans des projets d’innovation, où les avancées ne sont pas centrées sur la technologie, mais sur des observations et des insights provenant des utilisateurs au sens le plus large.

Peux-tu nous expliquer ton rôle dans ton studio / agence ?

Avec mes associés, j’aime penser que nous sommes “re-founder” de DA. En 2020, nous avons repris l’agence dans laquelle je suis depuis 2010, et repensé entièrement son offre pour l’améliorer.

Chacun d’entre nous occupe un rôle complémentaire au sein de l’agence, mais chaque projet est abordé en équipe afin de garantir à la fois quantité et qualité d’idées, de la stratégie d’entreprise/produit/marque, à la concrétisation d’un produit. 

Arnauld Blanck assure un rôle de planning stratégique, c’est à dire, qu’il aligne les enjeux stratégiques de nos clients avec les directions de création. Avec Philippe Barsol, nous assurons la direction artistique et créative pour délivrer des projets à la fois ambitieux dans l’usage, formellement audacieux et réalistes industriellement.

En ce moment et plus spécifiquement, nos projets m’amènent à me concentrer sur l’innovation centrée sur l’expérience en usage, en développant des produits pensés à partir des besoins réels des utilisateurs.

Rencontre : Vincent Gravière, le designer joue le rôle de perturbateur positif

 

Quelles sont les dernières actualités ?

Chez DA, 2025 / 26 sera placé sous le signe de l’amicalité. Nous avons décidé de placer l’année 2025 sous le signe de l’amicalité. Notre ambition est de (re)mettre l’humain et la clarté dans des environnements complexes. Dans cette veine et parmi nos projets phares, nous sommes fiers de notre collaboration profonde avec Physmed et l’INSERM

Depuis deux ans, DA s’ancre dans l’écosystème de la médecine de demain, accompagnant les chercheurs pour traduire leurs visions et découvertes scientifiques en expériences concrètes et accessibles. Grâce au design, nous transformons l’innovation médicale en expériences vécues (vivables), au service des professionnels et des patients.

Nous intervenons dans des contextes exigeants, où chaque détail compte. Notre approche repose sur l’observation attentive des utilisateurs et des usages, pour créer des expériences qui font sens.

Rencontre : Vincent Gravière, le designer doit jouer le rôle de perturbateur positif

As-tu un à deux projets à nous présenter ?

#1- PHYSMED – Casque d’imagerie cérébrale super-résolue


Comparée à l’IRM, l’imagerie par ultrasons offre une alternative plus abordable, accessible et inoffensive. Jusqu’à récemment, son usage en neurologie restait limité, le crâne perturbant la propagation des ondes ultrasonores.

Des chercheurs du laboratoire Physics for Medicine Paris (Physmed – INSERM/ESPCI PSL Paris/CNRS) ont ouvert un nouveau paradigme en neurosciences, en utilisant les ultrasons pour une neuroimagerie à la fois sensible et d’une résolution spatio-temporelle inédite.

Nous avons eu la chance d’être associés à ce projet en plaçant l’expérience du patient au centre de notre démarche. Convaincus que rassurer et impliquer le patient améliore la qualité de l’imagerie, nous avons travaillé sur le déroulé de l’examen, l’esthétique, l’ergonomie et la perception pour concevoir un dispositif doux, intuitif et non anxiogène.

Le motto du projet reflète pleinement cet esprit : « Adoucir l’expérience des patients pour mieux révéler l’invisible. »

Issu de notre approche, ce principe a guidé l’ensemble de nos recherches et choix conceptuels. Après avoir défini les fondations de l’expérience la plus bienveillante et apaisante possible, nous avons rapidement été confrontés à des exigences techniques extrêmes, nécessaires pour atteindre une telle finesse d’imagerie.

Le dispositif final d’imagerie intègre ainsi plusieurs innovations majeures : une ergonomie repensée du casque,
la conception d’un dispositif permettant une précision extrême et une navigation optimisée pour une meilleure précision.

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Forts de dizaines de prototypes et d’échanges avec les chercheurs, notre processus d’innovation nous a notamment conduits à développer la sonde autobloquante, conçue pour atteindre une précision inédite et accéder à l’information inédite dissimulée dans l’infiniment petit

Avec ce nouveau dispositif et ce nouveau protocole, l’opérateur voit son travail simplifié, au profit de sa concentration et obtient de meilleurs résultats. Tous les réglages parasites ont pu être supprimés afin d’obtenir un examen sans perte de précision. Le patient quant à lui est plus apaisé, l’appareil conçu offrant une perception plus douce et moins mécanique. 

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#2-  POCLAIN HYDRAULICS – HEVO : l’alliance du Design et de l’Industrie au service de la performance

Un moteur aux performances extraordinaires mérite une identité produit exceptionnelle.


HEVO est le  fruit d’une collaboration entre Poclain Hydraulics, un des leader mondial des transmissions hydrostatiques, et l’agence DA. Ce programme porté chez Poclain par Vincent Langlois,  repousse les standards en combinant technologie de pointe et innovation design.

Cinq ans de travail racontent cette aventure, démontrant comment la synergie entre ingénierie et créativité transforme un moteur industriel en véritable icône de performance et d’identité produit.

Le projet HEVO s’est déroulé sur cinq grandes étapes : en 2021, la phase de recherche et controverse a permis de collecter des données terrain et de cerner les besoins réels des utilisateurs. Suivie en  2022, par la phase d’idéation et de scénarios qui a donné naissance à des concepts innovants intégrés dans des contextes d’usage crédibles. En 2023, l’équipe a travaillé sur la création de l’architecture et des usages, optimisant la conception du moteur pour les opérateurs et la maintenance. En 2024, le projet a évolué vers un design spéculatif, avec la réalisation d’un manifeste et d’un guide design pour formaliser la vision de la gamme. Enfin, en 2025, le travail s’est concentré sur le développement de la gamme, en appliquant le design system pour assurer cohérence et identité à tous les produits HEVO™.

#3-  VAN RYSEL Aéro : quand la performance redéfinit ses codes

Van Rysel Aéro : quand la performance redéfinit ses codes

Réinventer la performance dans l’univers exigeant du cyclisme de route : c’est le défi que nous avons relevé avec Van Rysel, la marque performance de Décathlon. Dans un cadre strictement défini par l’UCI, où chaque forme est réglementée, nous avons vu une opportunité plutôt qu’une contrainte — celle de repousser les limites du design.

Pour imaginer de nouveaux codes esthétiques, nous avons tourné notre regard vers la nature. La raie manta, symbole d’élégance et d’efficacité, nous a inspirés un concept bio-inspiré où les flux d’air deviennent visibles, guidant la forme autant que la fonction. Le vélo se transforme alors en créature fluide, sculptée par le vent.

Contrairement à la majorité des projets de l’agence, cette « créature mécanique » ne sera pas commercialisée. Cependant, elle est plus qu’une simple démonstration de style. Ce concept, aux côtés d’autres pistes exploratoires, permet aux équipes de Van Rysel de penser les ingrédients technologiques et esthétiques des futurs vélos de performance de la marque. 

Une démarche essentielle pour rester à l’avant-garde d’un marché en perpétuelle quête de vitesse.

En quoi les structures comme la tienne arrivent à participer à de gros projets ?

C’est une bonne question. Nous sommes sollicités aussi bien par des startups individuelles que par des grands groupes du CAC 40, sans oublier les ETI industrielles. Grâce à l’association qui fonde DA, nous disposons d’une expertise pointue et complète sur l’ensemble du processus, du lancement à la finalisation d’un projet.

Nous avons des expertises de haut niveau, et une agilité totale qui nous permettent d’intervenir comme de véritables “top gun” du design, là où l’excellence est non négociable.

 

As tu d’autres projets en parallèle ? 

Oui ! Dans notre métier, il est rare de vraiment s’arrêter : on a souvent l’impression de ne jamais vraiment commencer. 😉

1Avec ma femme, nous avons créé GLACE, une marque de lunettes de soleil pour enfants. L’idée est née de la conviction que les parents, au-delà de veiller à la santé de leurs enfants, peuvent aussi être sensibles à l’éthique et à la qualité. GLACE propose des lunettes à l’univers un peu “givrées”, conçues et fabriquées en France, où chaque détail compte.

À l’agence, nos passions personnelles donnent également lieu à des projets créatifs plus expérimentaux. Ces explorations nous permettent de tester de nouveaux registres formels et conceptuels, d’interroger notre rapport à la technologie, à la durabilité et au sens de l’objet. Nous centralisons ces projets dans notre Back Lab : Arnauld y développe et fabrique des enceintes, Philippe conçoit des équipements pour les passionnés de tennis, et pour ma part, je travaille sur une draisienne.

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Mon approche pour ce projet repose sur une équation simple : 

“Beauté = Dignité + Désirabilité”.

Dans un monde saturé d’objets et de contenus, je crois que la simplicité et la singularité sont essentielles pour créer du désir, offrir de la dignité et atteindre la véritable beauté. C’est dans cet esprit que nous avons conçu KISS, une draisienne au design iconique qui incarne notre vision de la mobilité pour les plus jeunes : un design simple, intelligent et durable, où l’esthétique se fond naturellement dans la fonctionnalité.

Pour finir, je suis également associé au projet artistique de Cédric Delsaux, Darkcorp, ou il explore la collision entre un univers fictif et notre réalité quotidienne (passée et future). En imaginant ces engins et scènes artistiques à ses côtés, je peux exprimer et nourrir ma passion pour le côté conceptuel et artistique de notre métier de designer.

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Quels seraient tes conseils aux étudiants en design / jeunes générations ?

« Osez cultiver votre singularité. Gardez les mains dans la matière, maquettez, bricolez, dessinez.« 


Dans un monde saturé d’écrans et d’IA de plus en plus puissantes, ce retour au geste, à l’expérimentation concrète, est un garde-fou essentiel, porteur d’une valeur unique.

Être designer, ce n’est pas seulement rester derrière un ordinateur ou une feuille. C’est observer, tester, explorer autrement. C’est accepter que l’idée naisse d’abord dans la matière et la pensée, avant de passer par les outils ( indispensables aussi).

Evidemment, la formalisation est essentielle, mais elle devient plus accessible, au danger qu’elle se place trop en amont d’un projet.

 

En quoi, d’après toi les designers, peuvent-ils faire bouger les lignes ?

La question met en lumière un problème qui, à mon sens, se pose plus fortement en France que dans d’autres pays. Le designer est un maillon essentiel dans la chaîne de création d’un produit, d’un service, ou d’une valeur. Son rôle est tellement central qu’il ne devrait même pas avoir besoin d’être justifié, au même titre que le rôle d’un ingénieur, par exemple.

D’après mon expérience, j’ai souvent été frappé par le décalage et en même temps la complémentarité entre notre manière de penser et d’analyser et celle des personnes pour lesquelles nous travaillons. La création n’est ni linéaire ni régie par des règles strictes : c’est un chemin sinueux. Or, l’entreprise fonctionne bien souvent selon une logique inverse (coût/délai/qualité).

« Dans ce cadre, le designer joue le rôle de perturbateur positif, celui qui oblige l’organisation à se poser d’autres questions.« 

Notre compréhension fine des usages, notre manière de questionner et d’observer, génèrent souvent une immense valeur au sein d’un projet ou d’un système. Peut être que nous faisons bouger les lignes pour mieux les aligner, afin de créer des expériences fluides, intuitives et cohérentes : rendre l’utile (issu de l’observation) utilisable (par l’idée) puis utilisé (dans le produit ou service final).

À l’inverse, une mauvaise expérience ou une interaction compliquée, dépourvue de soin envers l’utilisateur, crée une fracture. L’utile devient alors inutilisable… et donc inutilisé. Souvent, nos clients abordent les projets sous un angle très technocentré. Notre rôle, c’est d’y insuffler un peu d’humanité, un peu de convivialité 😉

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Quels sont les risques pour les designers de demain ?

Être designer a toujours été un métier un peu risqué en France. Aujourd’hui, les risques auxquels notre profession est associée (IA, écologie, développement durable) concernent en réalité presque tout le monde.

L’intelligence artificielle, par exemple, suscite beaucoup de craintes et alimente la peur du déclassement dans de nombreux métiers. Mais plutôt que d’y voir une menace, je pense qu’il faut l’envisager comme une opportunité : un moyen d’améliorer nos processus et d’ouvrir le champ des possibles. Oui, l’accès à des outils simplifiés rend certaines tâches comme la représentation accessibles à tous. Mais est-ce vraiment là la valeur ajoutée du designer d’aujourd’hui et de demain ?

Selon moi, le véritable risque serait surtout de rater la transformation en cours. Le rôle du designer est de plus en plus central dans l’industrie, et j’espère qu’à l’avenir il ne sera plus perçu comme un simple « artiste » dont on peut se passer, mais bien comme un acteur indispensable de la création de valeur.

 

Peux-tu me citer un jeune talent que tu souhaites mettre en lumière ?

« Jean-Baptiste Durand« 

A cheval entre objets du quotidien et œuvre d’art, j’aime beaucoup la façon dont il orchestre un véritable brouhaha visuel, mêlant matières, couleurs et univers ultra variés, dans un équilibre inattendu. Loin de la ligne pure, on peut se plonger dans ce désordre organisé sans fin. J’adore cet esthétique ambivalente.

Peux tu citer une personne inspirante / designer / architecte.. et expliquer pourquoi ?

Plutôt que de citer une personne, et par réflexe professionnel, je vais évoquer une marque.

Je suis assez admiratif du parcours de Dacia ces dernières années. C’est un véritable exemple de transformation réussie d’une marque, menée avec intelligence à travers le design, l’expérience utilisateur et, (bien sûr, mis en avant pas une communication fine).  C’est ce qu’on appelle un shift mené de mains de maîtres, et pas forcément gagné/attendu si on nous l’avait dit il y a 10 ans.

Leur façon d’amener de la désirabilité suivant leur motto Simple & cool, est inspirante, là où chez beaucoup d’autres constructeurs la désirabilité se gagne à grand coûts/coups de complexité.

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Merci à Vincent pour son temps et écoute, une immersion au coeur d’un studio que nous apprécions, à qui le tour ?

En savoir plus sur le studio : Studio DA

By Blog Esprit Design


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À propos de l'auteur
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Vincent Roméo
Fondateur, rédacteur en chef chez 
Blog Esprit Design
Gardien de la maison BED, fondateur, dévoué je passe mon temps à veiller la nouveauté qui vous fera briller les yeux. En parallèle : Head of digital & Associé 14 septembre - Groupe Extreme

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