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Kami-Kami : quand les cheveux deviennent un matériau design durable
Dans le sillage des recherches récentes en design matière comme Gwemon, Instead,ou encore Precious Peels, un nouveau matériau se distingue dans le paysage créatif : Kami-Kami, conçu par la designer française Laurie Demir, alias LORIG.
Ce matériau 100 % naturel et biodégradable est fabriqué à partir d’un rebut encore peu exploré : les cheveux.
En France, on estime que plus de 10 000 tonnes de cheveux et poils d’animaux sont jetées chaque année, souvent incinérées ou enfouies faute de filière de valorisation. C’est dans ce contexte que Kami-Kami s’inscrit comme une réponse poétique, durable et engagée, en valorisant cette matière fibreuse riche en kératine et en nutriments pour les sols.
Un projet faisant directement écho au travail d’Alexandre Echasseriau en 2015, qui avait opté pour la laine de mouton par souci de ressource et aussi de message, quand le « cheveux », la matière d’origine humaine pouvait déranger…
Une démarche éco-responsable et locale
Kami-Kami est conçu sans additifs, à partir de cheveux collectés localement, dans une logique de circuit court et d’économie circulaire. Le processus de fabrication respecte l’environnement, sans produits chimiques, et offre une fin de vie vertueuse : en se biodégradant, le matériau enrichit la terre.
Ce matériau n’est pas seulement écologique : il est aussi esthétiquement interessant. Léger, résistant, offrant des textures organiques originales. On lui trouve déjà des applications concrètes dans le design d’objets, la signalétique, le packaging, et même la couture ou la marqueterie.
Une matière au service du design et de la narration
En 2015, cela semblait trop tôt, en 2025, qu’en pensons-nous ? L’exploration formelle de Kami-Kami donne naissance à une collection de pièces aussi sensibles que conceptuelles qui interrogent et dépassent le simple sujet de matière, on retrouve déjà des objets :
- La lampe Tsolal, jouant avec la transparence du matériau sur verre givré;
- Le mobilier Arev, mêlant bois brut et motifs végétaux en marqueterie capillaire;
- Le corset en poils de caniche royal, présenté lors de la Paris Design Week 2024, illustrant la malléabilité textile du matériau.
- Kami-Kami : quand les cheveux deviennent un matériau design durable
Chaque projet explore une nouvelle facette de cette matière : sa transparence, sa texture, ses capacités de teinture végétale ou encore son potentiel narratif. L’œuvre END, par exemple, intègre des poils d’un labrador et les cheveux d’une personne sans-abri, posant la matière comme support d’histoire et de mémoire. Des messages forts et engagés, quand la matière est porteuse de message…
Kami-Kami ne passe pas inaperçu. Il est aujourd’hui référencé dans des matériauthèques de renom, dont MateriO’ et L’Oréal, et a obtenu en 2025 le label “Projet à Impact” par la Région Île-de-France. Il a aussi été exposé à Maison & Objet, dans la continuité du projet Second Life.
Cette reconnaissance témoigne de la maturité du projet, et de sa pertinence dans les enjeux contemporains de durabilité, d’upcycling, et d’innovation dans le design.
À l’image de Precious Peels ou de Gwemon, Kami-Kami incarne une tendance forte du design contemporain : celle de réinventer nos matériaux en partant de nos déchets ou de ressources peu ou pas exploitées. Il ne s’agit plus de créer ex nihilo, mais de transformer ce que nous avons déjà, y compris ce que nous considérons comme rebut, en matière noble, expressive et fonctionnelle.
Laurie Demir pousse cette logique encore plus loin : elle polit, façonne et élève la matière jusqu’à en faire une œuvre d’art. Le tout, sans jamais sacrifier l’éthique sur l’autel de l’esthétique.
En savoir plus sur la designer : Laurie Demir