La revue d'architecture et de design
L’art du paysage domestique : comment Ben&Manu transforme le bois en topographie sculptée

Le duo français Ben&Manu composé de Benoît Vauthier et Manu Lerendu se positionnent tels des sculpteurs de paysages, des dompteurs de bois, des créateurs topographique.
Formés à l’« Institut Québécois d’Ébénisterie » au Canada, ils démarrent leur collaboration en 2012 puis s’installent en France depuis 2015 avant de définir leur atelier dans les Vosges en 2021, au plus proche des paysages et matière première qui vont les inspirer.
Leur démarche relève à la fois de la sculpture et de l’architecture de mobilier : privilégier la main, la matière locale, le temps de fabrication, et interroger le design fonctionnel par l’empreinte poétique du paysage. Ils l’expriment ainsi : « Nous avons alors cherché ce qui, à nos yeux, est devenu le plus rare et précieux : le temps, l’espace, la contemplation. C’est ainsi qu’est née notre approche, celle de faire surgir des paysages sculptés à la main sur des surfaces utilitaires. »
Matière, reliefs et récit : des collections uniques
Ben&Manu travaillent principalement des essences bois locales (érable sycomore, frêne, chêne, noyer) en lien direct avec leur territoire : « Nous privilégions quatre essences pour la richesse de leurs teintes et veinages. »
Les pièces qu’ils réalisent (tables, consoles, objets, sculptures murales), objets de nos quotidiens, prennent souvent la forme de reliefs montagneux, de crêtes, comme si chaque pièce racontait une topographie intérieure. Telle une pointe de liberté, un rêve, où comment une pièce fonctionnelle, sage, épurée peut tout d’un coup se lâcher changer de forme en s’inspirant de son environnement. Cette esthétique interpèle, intrigue..
On retrouve là un déplacement du réel vers l’évocation, une valeur contemplative qui dialogue avec des approches déjà explorées sur lBED, par exemple l’article « Art et technologie » où la fabrication mêle contrôle numérique et aléa de la main, quand une volonté extérieure, technologique, artistique vient à augmenter, changer la pièce et sa forme initiale.
1. La rencontre entre artisanat et récit visuel
Le travail de Ben&Manu montre comment un meuble peut dépasser sa fonction pour devenir un territoire à explorer visuellement. Pour un designer d’intérieur ou un architecte, cela ouvre la question : comment l’usage peut-il laisser place à l’imaginaire ? Et comment la fabrication artisanale (taille, relief, veinage) peut devenir vecteur d’émotion ? Alors oui on s’éloigne de l’usage, de l’épure, de la fonction avant l’esthétique, mais le rêve, l’attirance, l’évocation sont aussi des éléments importants dans le fait de se meubler…
2. Le choix de la simplicité locale
En privilégiant des bois régionaux et une fabrication manuelle, le duo interroge l’hyper‑fonctionnalité et l’optimisation à tout prix. Cela résonne avec les préoccupations actuelles du design responsable évoquées dans d’autres articles du BED : expérimentation, sens de la matière, décalage vis‑à‑vis de la standardisation.
Les étudiants peuvent ainsi intégrer dans leurs projets la notion de « valeur ajoutée invisible » : non pas seulement technologique, mais temporelle, matérielle, contemplative. (historique ou autre ?)
3. Le mobilier comme dispositif narratif
Pour les architectes et designers de produits, l’approche de Ben&Manu propose le meuble comme un « scénario ». Chaque ligne, chaque relief invite à une lecture : montagnes, vallées, matière sculptée. Cela peut inspirer : comment faire d’un luminaire, d’une cloison, d’une console un fragment de récit plutôt qu’un simple objet fonctionnel ? Ce type de question rejoint ce que le Blog Esprit Design a traité dans « Ta.Tamu : une assise pliable … » où le numérique, la structure et la forme se mêlent pour repenser le mobilier.
Dans ce cas‑ci, on peut considérer que leur démarche constitue un contre‑poids à l’essor algorithmique : non pas rejeter la technologie mais rappeler que le temps, la matière, le geste humain restent des terrains de création essentiels. Pour un étudiant ou designer curieux de l’IA, c’est une invitation à penser que la technologie ne remplace pas la poésie, mais peut être relativisée par la main‑et‑l’esprit.
On aime particulièrement le geste, la maitrise des outils et la mise en valeur du bois, tout simplement. Table, étagère, mobilier, sculpture, ces bas / hauts reliefs apportent une nouvelle signature à leurs oeuvres.
En savoir plus sur le duo : Ben&Manu
©AnneClaireHéraud



























































