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Offgrid par Klemens Schillinger : à l’essence même de l’usage
L’histoire des usages, est aussi ancienne que celle de l’humanité. Quelques millénaires d’évolution, de progrès, qui nous laisse parfois oublier la radicalité pourtant si efficace des usages de base. Dans nos sociétés toujours plus rapides, dans lesquelles tout est fait pour aller toujours plus vite, il est parfois bon de prendre quelques minutes pour prendre du recul, au moins pour se rendre compte du confort quotidien. Quoi de mieux que l’objet pour redessiner le contour de ces usages qui nous semblent à jamais acquis, faisant table rase du passé.
Comme son nom l’indique, off-grid n’est pas connectée au réseau électrique. Un sacré pied de nez à ce que l’on connait aujourd’hui ; rappelons que les dernières directives européennes nous poussent à ce que même nos véhicules ne puissent se passer de ce fameux réseau.
Un réseau aujourd’hui mis en opposition aux énergies fossiles, comme la réponse idéale d’une transition écologique réussie. N’en oublierait-on pas que l’électricité ne doit pour autant pas être gaspillée ? C’est tout du moins la crainte du designer autrichien Klemens Schillinger qui espère aider les utilisateurs à développer une relation plus saine avec la technologie. Avec Offgrid, c’est à l’utilisateur de produire l’énergie dont il a besoin pour faire fonctionner la lampe.
Manivelle ou pédale, les deux modes de production d’énergie permettent la charge d’un générateur qui alimente les LED de la lampe. Une minute d’effort permet d’éclairer pendant plus de six minutes.
Donner de soi pour obtenir quelque chose de l’objet ; la volonté n’est pas que philosophique puisqu’elle permet de lutter contre la passivité physique qui accompagne généralement l’utilisateur d’une lampe allumée. Ici, il est contraint à mettre fin à sa sédentarité, le temps de s’offrir un peu plus de temps d’éclairage.
L’usage de Offgrid est directement héritée des torches, qui offre la possibilité de désolidariser la lampe de sa station de charge et d’en faire un objet résolument mobile, qui invite à la déambulation, à se déplacer dans l’espace, particulièrement la nuit. Soucieux de ne pas faire de l’usage de la torche une contrainte, Klemens Schillinger a pris soin de rendre le socle assez lourd pour que la lampe se suffise à elle-même lorsqu’il s’agit de la poser sur une surface.
Offgrid est une réflexion parallèle à un autre concept du designer autrichien : Offline.
Voir son usage en vidéo par ici
Là encore, le nom de l’objet nous renseigne immédiatement sur la contrainte qui lui permet de prendre vie. Il suffit de placer son smartphone dans le tiroir matérialisé par le socle pour que la lampe s’allume. Elle suppose, de fait, la déconnexion avec son smartphone.
L’un des objectifs de Klemens ?
Aider les utilisateurs à prendre conscience du fait que l’on a tendance à prendre l’électricité pour un acquis, les faire se questionner sur la quantité d’énergie que tous nos objets et machines nécessitent pour fonctionner. La lampe Offgrid offre une équation très pragmatique de l’intensité et la durée de l’effort qu’il faut produire pour pouvoir s’éclairer sur un espace temps donné.
Le projet a été développé dans le cadre d’une résidence au Schloss Hollenegg. En guide d’éditeur, la lampe est proposée en pièces uniques sur le site Adorno design.
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© Texte : Matthieu Coin – Photos & vidéos : Klemens Schillinger & Adorno design