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Building Portraits par Elena Manferdini: Quand les pixels rencontrent les vecteurs
Nous avions déjà eu l’occasion de rencontrer la designer et architecte Elena Manferdini lors des Lexus Design Awards 2016 alors qu’elle était mentor du projet Shape Shifters.
Nous vous présentons aujourd’hui un retour sur son exposition Building Portraits, qui propose un pont entre la recherche architecturale, le design et l’art…
Elena Manferdini, actuellement responsable des programmes du Southern California Institute of Architecture, professeur invitée à MIT, Princeton, l’université de Tsinghua et au Bahaus, a récemment reçu le COLA Fellowship 2013 en soutien à la production d’oeuvres originales. À noter également qu’en 2011 elle a obtenu le prestigieux prix des United States Artists, et sa corbeille de fruits Bloom pour Alessi s’est vue décerner le Good Design Awards. L’atelier Manferdini, dont elle est la fondatrice et propriétaire, a réalisé de nombreux projets de design d’art et d’architecture, et de ce travail est né une approche pluridisciplinaire.
L’idée de départ de ce travail sur les façades et dessins trouvant son origine pour la fascination d’Elena Manferdini pour les réalisations de l’architecte Mies Van Der Rohe:
“J’ai visité Chicago pour la première fois il y a deux ans et cela m’a donné l’occasion d’approcher de plus près les façades de Mies Van Der Rohe. J’y ai ainsi découvert qu’il corrompait la fonctionnalité des enveloppes par de fins et ornementaux trumeaux qui n’avaient pour seul but que celui de créer une illusion d’optique.
L’effet créé par ces grands buildings noirs était tout sauf générique: les trumeaux d’acier côte à côte aux sombres murs de verre faisaient naitre de vibrants reflets qui multipliaient de manière dynamique l’image d’un building sur les autres environnants. Cette découverte a été fondamentale dans l’intérêt que j’ai développé pour les réseaux dans la composition des façades contemporaines.”
De cette réflexion a donc émergé l’exposition Building Portraits, où la recherche a été poussée aux relations entre les motifs et les couleurs, l’orientation et la position, le sol et la forme…
“Le développement de ma réflexion provient du fait que je me suis aperçue que l’architecture moderne n’a pas encore développé l’expression de sa sensibilité où diversité et hétérogénéité sont pourtant l’essence de la culture contemporaine. De nouveaux modes opératoires volumétriques s’avèrent comme nécessaires de nos jours afin de mettre à jour le projet du réseau.
Dans une ère de globalisation, où la subjectivité politique aux aspects multiples en reformulation constante, l’architecture contemporaine est toujours en attente de trouver une réponse flexible et originale au Générique.”
C’est ainsi que l’exposition Building Portraits propose une convergence entre le vectoriel et le pixel où il y est suggéré que le dessin technique architectural et le dessin artistique appartiennent au même spectre. Les dessins abstraits deviennent façades: la collection existe ainsi de manière autonome à la fois en tant que recherche architecturale et en tant qu’œuvre d’art à part entière.
La réflexion à travers le dessin ne se limite plus seulement à un instrument didactique, mais fait aussi naître l’imagination, proférant à cette collection un sentiment d’immanence qui dirige l’esprit vers une réalité qui n’est pas encore ancrée dans l’existence.
Voici une vidéo documentaire de qualité (en Anglais) qui retrace l’exposition:
Quant à l’influence qu’a eu l’essai de Rowe et Slutzky “Transparency: literal & phenomenal” paru en 1982 sur le travail de Building Portraits évoqué dans la vidéo ci-dessus par le brillant architecte et écrivain Todd Gannon, Elena Manferdini le décrit comme “fondamental, car cet essai trace la distinction entre la transparence littérale (transparence perçue ) et la transparence phénoménale (transparence conceptuelle inhérente à la qualité spatiale de l’architecture).
La façade s’appuie sur ces définitions pour créer un effet d’optique obtenu grâce à un travail de fines lignes de couleurs en filigrane stratifié. L’ordre séquentiel des stratifications successives et la superposition de l’espace produit une ambiguïté des organisations spatiales et met au défit la notion statique des réseaux.”
L’exposition Building Portraits qui s’est tenue à la Gallery 286 à Chicago en 2015 puis à l’espace Industry DTLA à Los Angeles (qui vient de s’achever en Avril dernier) ne voyagera malheureusement pas en dehors des frontières Américaines.
Cependant, un des Buidling Portraits vient d’être acquis la semaine dernière par le SFMoMA (San Francisco Museum of Modern Art) pour agrémenter sa collection permanente – Le SFMoMA qui d’ailleurs a annoncé la semaine dernière la nomination de Clément Chéroux en tant que conservateur en chef du département de photographie du musée (ancien du Centre Pompidou) qui prendra son poste à partir de janvier 2017.
Le prochain projet de l’architecte sera une réalisation tridimensionnelle de 9 plans d’élévation…
À noter pour les anglophones qu’Elena Manferdini a déjà publié deux essais sur sa réflexion qui a menée à l’exposition Buidling Portraits, et un troisième paraitra ce mois ci dans la prochaine édition de “The Plan Journal”:
Manferdini, Elena. “Miesian Grids and the Domain of Ink.” in Tom Verebes, ed., Architectural Design “Mass-Customized Cities” issue (November/December 2015, Profile No 238, John Wiley & Sons Ltd. London; ISBN: 978-1-118-91564-6): 32-39
Manferdini, Elena. “Grids and the Domain of Ink.” in Amy Kulper, ed., Journal of Architectural Education “Discursive Images” (Vol.70, Iss.1, 2016, Routledge; ISSN: 1046-4883): 28-30.
Plus d’info sur l’architecte: Atelier Manferdini
Crédits photo: Atelier Manferdini