La revue d'architecture et de design
Matière à croire
Lorsque les designers s’intéressent à des objets supports de croyances, ils touchent à l’occulte, la métaphysique, le mystérieux, le psychisme. Ils abordent ce qui ne se maîtrise pas et dont la fonction nous dépasse. Ils expérimentent, cherchent et imaginent des scenarii basés sur de nouveaux territoires d’investigations individuelles. Le designer devient en quelque sorte « guérisseur » de la société. Les projets retenus étudient différentes croyances : mystiques, superstitieuses et thérapeutiques.
Le studio Bold design imagine, lors de la biennale de Saint Étienne de 2010, le scénario de Superstition. Le propos correspond à la journée décisive d’un individu un peu superstitieux qui utilise une série d’objets pour décider de ce qui va se produire durant sa journée. Choix et décisions sont pris en consultant la série d’objets qu’ils ont imaginée. Ainsi, ils revisitent quelques superstitions populaires : la pièce jetée dans la fontaine reproduite en sucre pour son café du matin, un pile ou face version calepin dont on découvre le résultat en détachant la partie extérieur du feuillet, ou encore le sot-l’y-laisse du poulet dominical, réinventé en chandelle à deux mèches, à savoir laquelle fondra la plus vite.
Ces propositions amusantes, non éditées sont une manière de souligner les objets vers lesquels on se tourne pour se redonner confiance, une chemise fétiche, un porte bonheur, autant d’objets personnels érigés au rang de fétiches.
– Superstition, Bold design, 2010, France (leur site)
La série Ritual Objects de Louie Rigano, est une invitation à renouer avec une certaine forme de spiritualité par les rituels. Cette série est une collection de vaisselle en terracotta émaillée qui combine différentes formes géométriques. Elle est inspirée par les objets chamaniques Cong. Ces objets chinois en jade de l’époque néolithique, ont le plus souvent été découverts dans un contexte funéraire, ils semblent avoir rempli une fonction rituelle, que l’on ne connaît pas précisément.
Leur spécificité réside dans l’imbrication de deux formes, la section externe a une forme différente de la section interne. Chacun des huit objets de Louie Rigano a été conçu avec les mêmes principes géométriques, les formes retenues sont réduites à une série de symboles. Ces objets répondent à différents contrastes de qualité de textures (bruts vs laqués), de couleurs (saturées vs transparentes), de finitions (brillantes vs mates) et d’aspect (naturel vs artificiel). Chacun a la capacité de remplir plusieurs fonctions : tasse, vase, bol, carafe, bougeoir.
L’ambition de Ritual Objects est de permettre une liberté d’utilisation contextuelle liée à l’ambiguïté fonctionnelle et esthétique de ces objets.
– Ritual Objects, Louie Rigano, 2013, États-Unis
Originaire de Taiwan, Yawen Chou explore son héritage culturel et patrimonial pour créer une série d’amulettes : Precious objects. Elle expérimente différentes techniques et mixe plusieurs matériaux pour créer des objets moulés, fondus ou sculptés. Les motifs et formes qu’elle choisit jouent le rôle d’un symbole représentant le support d’une croyance.
Elle évoque pour parler de son projet, le passé, l’époque où « les anciens croyaient que les esprits étaient dans chaque choses ». Elle parle de leur philosophie et de leur croyance en une coexistence harmonieuse de l’humanité et de la nature. Cet ensemble correspond selon elle à un paradis perdu, dont l’homme contemporain manque cruellement. L’ambition de ses Precious objects est qu’ils deviennent des objets transitoires pour communiquer avec la nature et qu’ils fassent partie de l’héritage familial, qu’ils constituent un legs autant matériel que philosophique et spirituel.
– Precious objects, Yawen Chou, 2013, Taiwan
Le Studio Chaparral s’intéresse aux plantes, aux minéraux et à la narration. On peut trouver sur leur site de vente en ligne l’Obsidian portal to truth. Il s’agit d’une pierre d’obsidienne (formée à partie de lave en fusion) taillée en pyramide. Cet objet d’un noir dense est à la fois décoratif mais également un objet aux propriétés thérapeutiques.
Comme le souligne le Studio Chaparral, l’obsidienne est appelée « pierre de vérité ». Le studio affirme également que « cette pierre assiste les gens à comprendre et accepter leurs folies. Elle protège des énergies négatives, fait apparaître la vérité et chasse les illusions. C’est un miroir métaphysique qui aide à se comprendre soi-même ». Entre propriétés espérées et avérées, le scepticisme est permis. Toujours est-il que la présence et l’intérêt portés à ce matériau et à ses propriétés montre une volonté très actuelle de thérapie naturelle, ancestrale.
– Obsidian portal to truth, Chaparral Studio, États-Unis
Felipe Ribon s’est intéressé pendant plus d’un an à l’hypnose et a proposé en 2012, Mind the Gap, qui est le résultat de ses recherches appliquées au champ du design.
Une dizaine d’objets domestiques, miroirs, pendules, tapis, tipi… compose ce projet. Ces objets proposent de réveiller des états émotionnels propices à générer de nouveaux liens avec le sensible pour reprendre les propos de Felipe Ribon. « C’est un projet à deux niveaux, avec un premier travail sur le processus de création lié à l’hypnose et la manière dont cet état particulier de conscience peut nous amener à créer et dans un deuxième temps, de produire des objets qui aident à entrer dans la transe hypnotique au sein de l’habitat » explique-t-il. Hartmann est un objet gravitationnel, un pendule qui aide à la concentration et à libérer l’inconscient. Le tipi nommé Cabane Primitive a des parois de tissu transparent qui contiennent des fibres d’argent permettant de bloquer les ondes magnétiques et de les canaliser à terre.
C’est un refuge utopique, un endroit neutre énergétiquement parlant. Les Bolcycles, sont des bols en porcelaine de Limoges, agréables au toucher, de forme sphérique qui renvoient à la perfection et à l’éternel retour. Ils sont percés en leurs centres et suggèrent la porte d’entrée vers l’inconscient
– Mind the gap, Felipe Ribon, 2012, France
Les moments d’incertitude, le manque de confiance et la perte significative de la spiritualité aujourd’hui, proposent une réflexion intéressante sur nos besoins de matérialiser l’irrationnel. Entre en jeu de nouvelles perspectives en matière de design qui invitent à engager une part inconsciente de nous mêmes à travers des activités.
Merci à Alice pour ce nouvel article en parfait écho avec la Biennale Design de Saint-Étienne et son exposition Form Follows Information.
BOLD DESIGN: AIDE A LA DECISION POUR CHROMOSOME Y ? C’est pas mal comme fichier à blondes …. ou blunes selon les goût. Il faut juste y croire.. unprojet qui peut être storyteller dans tous les sens .. pour être au niveau de BEN. EXPOSITION |« prédiction »par Benjamin Loyauté.Biennale de Design 2010, St Etienne.
Il est tres difficile de séparer les croyances, des savoirs…. D’ailleurs si on prend des objets de savoir, d’un siècle à l’autre, ils peuvent changer de camp et devenir des objets de savoir et “vice et versa”… Il est aussi difficile de separer information et savoir. C’est pourquoi je ne crois pas à non plus “form follows informations”…. qu’ à matière à croire. Le design a eté promu au XX ème siècle pour remplacer la religion( immaterielle) en une religion des objets (materiels). Il en a été de même de l’ebenisterie au XVII ème siècle….. Cela se nomme aussi la creation de valeurs