La revue d'architecture et de design
Exposition Dignes Design au Bastille Design Center
Pour ces 250 ans, l’EnsAD (École nationale supérieure des Arts Décoratifs) a organisé lors des D’Days 2016 l’exposition Dignes Design au Bastille Design Center de Paris. Elle présente une nouvelle génération de créateurs diplômés des secteurs Design objet, Design graphique, Design textile et matière, Design vêtement, Architecture intérieure et Image imprimée. Y sont associés des productions venant d’EnsadLab, le laboratoire de recherche de l’EnsAD et un choix d’œuvres sur la thématique des “Savoirs-faire”, réalisées avec le soutien de la Chaire Innovation et Savoir- faire/Fondation Bettencourt Schueller.
Cette exposition laisse le visiteur jugé si les étudiants qui ont suivi l’enseignement de l’école ont su transformer, concrétiser cet héritage et se montrer dignes des anciens mais non moins illustres diplômés et enseignants tels qu’Hector Guimard, André Arbus, Gilbert Poillerat, Jacques Adnet, Louis Sognot ou René Gabriel.
Voici quelques éléments qui ont retenu mon attention :
Dès notre arrivée, on est accueilli par la ruche Eustache de Juliette Dorizon. Sa création remet l’abeille au cœur de la pratique apicole. Ruche non productiviste, elle prend en compte la biologie de l’abeille et assure à l’objet un attrait esthétique qui lui permet de le réintroduire dans les espaces verts publics avec fierté. Sa forme s’éloigne de l’habituelle boite parallélépipédique des ruches type Dadant pour une forme octogonale qui reprend la forme du tronc d’arbre creux qu’investissent les essaims sauvages.
“Elle se prénomme Eustache car elle reprend la fonction de la trompe d’Eustache, cône situé entre le nez et l’oreille qui nous permet d’écouter et de sentir. Grâce à deux objets satellites en verre soufflé, elle permet à l’utilisateur d’obtenir de précieuses informations sur l’état de santé de la colonie et sur son dynamisme sans provoquer de perturbations exogènes.“
Au rez-de- chaussée, le mobilier de Mathilde Pellé a droit à une place centrale.
Les pièces en verre des tables Abords ont été réalisées en collaboration avec des verriers. Leurs colorations et leurs formes ont été développées de façon à figurer la brillance et la profondeur d’un liquide. Leurs surfaces inclinées peuvent paraître à tort horizontales et perturber ainsi la perception globale de l’objet.
Le miroir Walden présente un beau travail du bois mis en valeur par le miroir. En effet, son propre reflet prolonge sa forme et ouvre une perspective à l’intérieur des murs. Comme une envie d’extension de notre espace, Walden est une fenêtre vers un petit monde latent, pur produit de notre vision.
A l’étage, on découvre le résultat du workshop qui a réuni les élèves de 3 ème année Design objet, la Manufacture de Sèvres et le designer Noé Duchaufour-Lawrance.
“Submergés par des produits de moindre qualité, nous avons du mal à appréhender la complexité et la qualité d’un objet. Autrefois, seul l’artisanat d’art permettait de produire des pièces d’une grande complexité. Aujourd’hui, le concepteur et l’industriel ont recours à l’utilisation d’outils numériques qui obèrent la complexité du produit fini.
Les porcelaines de la Manufacture nationale de Sèvres sont l’aboutissement d’un long travail dont chaque étape, complexe, vise à l’excellence.
La profondeur d’une couleur, le galbe d’une forme, la finesse de la matière, la richesse de l’ornementation, autant d’éléments qui confèrent sa beauté et son caractère exceptionnel à l’objet. Mais, paradoxalement, le geste pour atteindre cette perfection est rarement apprécié à sa juste valeur car nous ignorons les conditions exceptionnelles de la mise en œuvre des pièces. Le principe de ce workshop, dirigé par Noé DuchaufourLawrance, a été de faire découvrir aux élèves ces 27 gestes de la chaine de production de la manufacture pour n’en donner à voir qu’un certain nombre, en les révélant à travers la création ou l’adaptation d’un objet.“
Les vases et coupes Rotation de Victor Calsou et Arthur Ristor présente l’étreinte, la tension qui s’opère entre la matière mouvante à maitriser et la posture rigoureuse du tourneur. Ces objets témoignent de la chorégraphie entre l’artisan et la matière.
Le projet Mo-Mo de Cindy Attoungbre, Clara Bellet et Daniela Calcagno est un moule modulable :
“Ce projet se propose de révéler la finesse et la complexité du travail du moulage. Le moule est un élément essentiel à la réalisation de la plupart des pièces créées à la Manufacture nationale de Sèvres. Cet objet en plâtre se compose de plusieurs sous-pièces et permet de reproduire en série un même objet. Afin de mettre en valeur ce procédé, nous avons créé un moule modulable réalisé en huit parties interchangeables. Il permet d’obtenir 20 tirages uniques d’un vase, aux formes et aux usages multiples.“
Carapace est une collaboration entre des jeunes en formation chez les Compagnons du Devoir en fin de tour de France dans les métiers de menuisier, ébéniste, peintre, plâtrier, métallier, carrossier, et des étudiants de l’EnsAD en Design vêtement et des diplômés 2014 en Scénographie. Cette rencontre entre savoir-faire et création a pour thématique la carapace. À travers ce sujet assez générique a existé un réel chemin vers le regroupement des différents métiers de scénographe, Compagnons du Devoir et designers vêtement. Fondés sur l’aspect vivant du projet, sur son lien avec le corps et son évolution, mais aussi sur l’interprétation psychologique de l’idée de la carapace, ont émergé des scénarios de conception et d’usage proposant une réelle mise en scène des installations et objets imaginés.
En confrontant des détails ethniques extrême-orientaux, des références au sport à l’américaine et des éléments du vestiaire occidental traditionnel, Manhood, de Ludovic Leger, cherche à évoquer la pluralité des mythes masculins. Ce dialogue entre les cultures et les genres crée des accessoires métissés qui interpellent le public sur les questions de virilité et d’appartenance.
Le thème « Carapace » a servi de point de départ pour questionner les notions de corps contraint et de corps en mouvement. L’enjeu était de donner à ce corset l’apparence d’un bloc rigide, lourd, contraignant, pour révéler ensuite que sa construction permet le mouvement. Fondé sur l’anatomie, les blocs agissent comme des îlots, bougeant indépendamment les uns des autres. Constituée de 300 lattes de bois sur un plissé, la jupe, une fois déployée, permet de décrire dans l’espace des mouvements incroyablement amples. En évolution permanente, le bloc de bois se révèle être déployable, extensible, mouvant. Ce projet a été accompagné par les danseurs du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
Au sous-sol, on se retrouve plongé dans l’obscurité avec différentes alcôves présentant chacune une création lumineuse. Le workshop « Entrée en matière-lumière » est développé dans le cadre du programme de recherche SAIL « Sciences et Arts des Interactions Lumière-matière- couleur ».
Macrocosme, travail sur le verre soufflé entre Marion Flament Étudiante-chercheuse EnsadLab depuis 2014 et l’atelier Sylicibine. La lenteur de la rotation de la lumière qui habite le vitrail soufflé raconte l’histoire de la création de cet objet, la superposition des verres, la cassure qui révèle les couleurs. Ce sont de petits objets qui ne peuvent révéler leurs intérieurs que par la lumière. En éclairant une sphère de quelques centimètres de diamètre, c’est un véritable monde qui se projette. Entre macro et micro, entre une cellule végétale observée au microscope et l’étude de la surface d’une planète.
Diafane, œuvre de Béatrice Garnier, étudiante-chercheuse EnsadLab de 2011 à 2015, est comme une tour qui monte ou se démonte, se recompose selon l’humeur du moment, diafane est une sculpture modulaire en porcelaine aux formes rappelant les concrétions stalactites, l’eau figée. De jour, diafane montre la blancheur et la douceur de sa matière. De nuit, elle laisse transparaître la lumière et dévoile sa structure interne.
Les vestiges et les songes de Charlotte Gautier, étudiante-chercheuse EnsadLab depuis 2014 est une chorégraphie d’éclats fugitifs en permanente métamorphose. L’intention initiale était de « rendre visible » un univers enfoui dans la matière, invisible à l’œil nu. Le passage de la lumière à travers le verre soufflé révèle ses imperfections en les agrandissant dans tout l’espace. Lors de la collaboration avec l’artisan verrier Stéphane Rivoal, il a été créé le plus d’irrégularités possibles dans le verre.
Le projet personnel Zénith, réalisé après le diplôme par Arturo Erbsman est un luminaire qui projette un soleil au zénith et fait entrer cet astre dans l’habitat.
La prochaine exposition célébrant les 250 ans de l’EnsAD sera au Palais de Tokyo en janvier 2017 et centrer sur l’Art.
Plus d’informations sur l’exposition : Ddays x ENSAD
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