La revue d'architecture et de design
Exposition : Re Rag Rug à l’Institut Suédois de Paris
L’Institut Suédois présente jusqu’au 10 avril 2016 l’exposition Re Rag Rug.
En 2012, Katarina Brieditis et Katarina Evans lancent Re Rag Rug. Ce projet artistique aux dimensions écologiques et sociales prend la forme d’un défi autour du trasmatta, tapis de tissus recyclés, objet historiquement très présent dans la culture populaire scandinave (rag-rug en anglais).
Le duo se fixe un cadre bien précis : un mois, une technique, un tapis. En utilisant uniquement des matériaux prétendument « sans valeur » – des chutes de l’industrie textile ou des T-shirts, destinés à être jetés – elles cherchent à fabriquer des pièces « de valeur » et durables.
Le fil directeur de leur travail est l’importance donnée au design et au processus de création. Un défi d’autant plus grand que la matière première des tapis a été limitée à ce qui leur a été offert gracieusement. L’exposition présente les 12 prototypes et invite à réfléchir aux modes de consommation actuels et à,la viabilité de la production industrielle.
A quel moment un objet recyclé prend-il une valeur marchande ? Quelle valeur ajoutée représente le design ?
1. La composition de TAILOR a été créée pour exprimer force et élégance, à l’image d’un beau tissu de costume. Le tapis est constitué de rayures obliques, découpées dans des pulls de laine feutrée. Le tapis est composé de bandes, doublées individuellement, puis cousues ensemble.
2. KASURI évoque les textiles japonais, fabriqués selon la technique Ikat, également appelée Kasuri. Tresser des chiffons pour en faire des tapis n’a en soi rien de nouveau, mais les designers ont voulu apporter à cette technique une expression nouvelle, notamment après avoir découvert que les tresses, mises côte à côte, donnent naissance à des motifs inattendus. En choisissant des tee-shirts usés de différentes épaisseurs, couleurs et matières, les possibilités de création de tapis sont infinies.
La typo utilisée pour présenter les différents tapis mérite aussi le détour.
3. PEPITA évoque quelque chose de délicieux, comme le chocolat ou bien des morceaux de sucre et du café. Ce long tapis est conçu dans un dégradé de couleurs permettant au motif de se déployer, renforçant ainsi l’impression de longueur. La technique utilisée est celle de l’armure toile où la chaîne rencontre la trame dans le plus simple des assemblages, et bâtit un tissu en motif pied-de-poule. La matière est composée de pulls de laine découpés en lanières, pressées et cousues en double épaisseur pour réaliser un tapis moelleux et confortable. Les bordures du tapis rappellent le travail de vannerie.
4. ARCHIPELAG, qui évoque tour à tour une carte, le sable et les mers profondes, a été créé à partir d’une broderie en point de croix, agrandie, représentant un motif en pied-de-poule. La technique utilisée est inspirée de celle du point de croix brodé exécuté jusqu’à obtenir des rangées renforcées. A partir de tee-shirts multicolores, on obtient une riche palette de couleurs qui permet de peindre un motif aux multiples couleurs, évoquant l’idée de glissement. Il en résulte une surface vivante et limpide, légèrement ondoyante, donnant la sensation que le sol se dérobe sous les pieds.
5. VINTERGATAN [LA VOIE LACTEE] est le fruit de la rencontre entre deux tradition textiles dont les expressions sont à l’origine très différentes – c’est la rencontre de chiffons et diamants, d’obscurité et de lumière. Le duo voulait utiliser l’hexagone, élément de base du patchwork, tout en cherchant à dépasser l’expression traditionnelle de cette technique. Le tapis est constitué de feutre issu de pulls de laine et consiste en une superposition de pièces hexagonales. Le motif en forme de diamant, a été obtenu en utilisant la technique de teinture shibori (ou tie and dye) – en pliant les pièces de feutre et en les pressant ensemble à l’aide de bouts de bois et de serre-joints. Le bain de teinture bleu foncé visait à évoquer l’indigo.
6. ROSENGANG [SENTIER DES ROSES] évoque une lirette, vieille et patinée. Il est composé de rayures dont certaines sont des frises aux fins motifs, lesquels, de loin, rappellent les rayures tissées utilisées traditionnellement en Suède dans la technique Rosengång. Le tapis, en pulls de laine feutrée, serpente et donne envie de suivre les courbes mais les rayures ne tournent, ce qui confère au tapis sa sérénité.
7. AQUARELLE est constitué de plusieurs champs de couleur formant des ensembles parallèles de rayures et de carreaux. Les tonalités de couleur des pulls de laine s’emmêlent, comme les ombres et la lumière, l’humidité et la sécheresse. Les couches intérieures sont cousues ensemble au point de piqûre, dans plusieurs directions différentes, afin d’assurer une stabilité au modèle. La couche supérieur reste en place à l’aide de points droits, plus longs, cousus à travers tout le tapis. Le point droit, le plus simple des points de couture, est utilisé tant pour rapiécer que pour renforcer ou dévorer un tissu. On le retrouve également dans des techniques anciennes de patchworks, connus sous le nom de Kantha ou Sashiko, techniques toujours utilisées au Bangladesh entre autres.
8. OFF PIST offre une impression de douceur et de fluidité, tel un paysage enneigé.
9. RE ORIENT a été réalisé au crochet, une technique qui réveillent souvent une certaine nostalgie et évoque des souvenirs voire des expériences textiles. La confection de tapis crochetés n’a en soi rien de nouveau mais c’est ici une mise en valeur une technique aussi simple et brillante, qui ne nécessite pas plus de matériel qu’un crochet. Une technique qui, dans le même temps, offre une grande liberté de forme et permet des compositions joyeuses et ludiques. Ce modèle s’inspire des motifs des tapis orientaux et de Kilims. Avec Re Orient, la technique du crochet rencontre le tapis oriental, considéré à travers l’histoire comme le tapis par excellence.
10. SQUEEZE est tricoté à partir d’un tricot bicolore, une technique très élastique. Soumis au poids de la matière, le tapis est devenu si élastique qu’il semble presque couler. C’est cette absence de forme qui le rend vivant. Le tapis est double-face et présente un motif côtelé dont les rayures perdent en densité lorsqu’il est étiré dans sa largeur, et en regagnent lorsqu’il est étiré dans sa longueur.
11. NOMAD est composé de lisières (bordures de tissu), matériau difficile. Notre duo a filé les lisières pour obtenir une laine plus solide, à l’aide d’un crochet vissé dans une perceuse. Le design du tapis s’est formé par la création de motifs conjuguant plusieurs méthodes de tissage (œil-de-perdrix, motifs croisés et chevrons)
12 CONFETTI est le dernier tapis de la série mais je suis passé à côté apparemment. Si vous voulez le découvrir, je vous invite à découvrir l’exposition.
Re Rag Rug Re-producted
Ce projet répond aux trois piliers du développement durable tout d’abord comme on l’a vu en recyclant des produits voués à la destruction. La démarche des deux designers s’assortit aussi d’une réflexion quant au remplacement industriel par un produit manufacturier. Le développement économique se retrouvant dans la valorisation finale de ses produits. Suite à cette année de recherche, le projet se porte aujourd’hui sur le développement de collaborations pour produire ces douze tapis.
Kasuri et Squeeze Me Hold Me (Squeeze transformé en plaid) sont les premiers à avoir été reproduits. Présentés au Festival 100% Design à Londres en 2014, ils sont fabriqués à partir des surplus provenant de l’industrie du tee-shirt en Inde, en collaboration avec une famille vivant dans le sud du pays et Alpha Corporation.
Afin d’explorer les possibilités de reproduction locale à Stockholm, le duo a collaboré avec Ramekebolaget, entreprise sociale de recyclage. En est sortie une copie de Re Orient, réalisée à partir de vieux tee-shirts récupérés auprès des habitants de Stockholm.
Katarina Brieditis est designer aussi bien dans le domaine du textile que de l’art de table. Elle travaille pour des marques telles que Linum, IKEA et Rörstrand. Elle réalise aussi de nombreux tricots et a produit des modèles pour The Swedish Handicraft Socitey et des vêtements pour la marque Gudrun Sjödén.
Katarina Evans s’est spécialisée dans l’art du textile et la conservation ded textiles anciens. Experte en broderie, elle enseigne également l’artisanat au niveau supérieur. Avant le projet Re Rag Rug, Katarina Evans a travaillé douze ans pour l’insdustrie du textile dans le développement de produit.
Pour de plus amples informations sur le projet : Reragrug, Brieditis
Plus d’informations sur l’exposition : Re Rag Rug
l’Institut Suédois 11 rue Payenne 75003 Paris Mardi – dimanche / 12:00 – 18:00 Entrée libre
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