La revue d'architecture et de design
Histoire du design : Verner Panton (1926 – 1998) et la lampe Flowerpot
Cette année lors du Salon de Milan, la société danoise & Tradition a présentée ses rééditions du fameux lampe Flowerpot de Verner Panton dans des nouvelles coloris. Nous profitons pour faire un coup de projecteur sur ce créateur danois pas comme les autres.
Le designer danois Verner Panton (1926-1998) est rarement vu comme typiquement danois. Créateur offrant une alternative très éloignée de la discrétion et du confort caractérisé comme typiquement danois, Panton fut pendant longtemps un designer incompris dans son propre pays, et est encore aujourd’hui vu comme un déviant de la tradition danoise du design. Fort heureusement l’intérêt renouvelé pour les années 60 et 70 et la mode du retro et du design ont sensibilisés le public à son génie créateur.
Les couleurs et la fantaisie sont les deux éléments fondamentaux dans l’univers d’expérimentation de Panton, et ses créations, souvent des gesamtkunstwerks, ont permis de créer des nouvelles relations entre architecture, design et l’art. Il ne s’agit pas seulement d’expérimentations dans le domaine de la couleur et de la mise en forme, mais également dans l’utilisation de nouveaux matériaux et méthodes de production.
Ses créations étaient l’exact contraire de la tradition danoise de l’Age d’ Or du design danois de la période 1950-70. De cette période, le design danois est surtout connu pour des créateurs travaillant des matériaux naturels, et surtout le bois. Panton, lui, il travaillait le plastique, la fibre de verre, l’acier, de la mousse et d’autres matériaux synthétique. Où les architectes danois rendent hommage à une tradition artisanale, Panton était partisan d’une production 100% industrielle et vu comme un avant-gardiste. Se heurtant à la tradition forte du design danois il va surtout travailler à l’étranger.
L’époque
La production de Panton doit être vu à travers les évolutions de son époque ; les années 50 et son climat optimiste. L’expansion économique du début des 30 glorieuses, avec le début de la société de consommation.
Si les designers de la période d’avant et l’entre-deux-guerres étaient surtout préoccupés à résoudre des questions de production et de fonctionnalité, alors les designers de la période des 30 glorieuses s’attardent de plus en plus sur des questions de l’ordre formel. Par ailleurs, les aspects de communication et les signés et symboles signalés par les objets, comme souligné par Baudrillard en 1968 dans son livre sur le « système des objets », prennent de plus en plus d’importance. Aspects également soulignés par Roland Barthes, qui dès la fin des années 50 met en avant les dimensions culturelles et symboliques du design. Avec le développement de la société de bien-être (welfare state) et la consommation qui se développe à grand vitesse, le design ne répond plus seulement aux besoins essentiels, mais fait également évoluer la fantaisie, les idées, images et symboles.
L’intérêt grandissant des designers pour les aspects communicative du design se retrouvent également chez Panton, qui après s’être intéressé, à la fin des années 50, aux aspects de production et de fonction va s’orienter vers un questionnement autour de l’utilisation consciente des images, et notamment comment être créateur d’image du design à travers l’import du symbolique venant des médias de masse et la culture pop grandissantes.
Son style et son œuvre
D’un point vu de l’histoire du design, Panton se situe au milieu des courants tels que le modernisme organique, le mouvement pop, le design alternatif et le psychédélisme. Pendant ses études, d’abord à l’école technique à Odense, puis à l’Académie royale des beaux-arts à Copenhague, il était surtout orienté vers le style international dominant l’architecture et le design de la période d’après-guerre, où les formes organiques et d’expression libre étaient vu comme déviants par rapport au modernisme fonctionnaliste rectiligne à la mode pendant cette période. Mais avec l’explosion de la société de consommation le style international dominant va être challengé par d’autres mouvements aux formes plus libres.
Rappelons-nous que la chapelle Ronchamp de le Corbusier date de cette époque, ainsi que l’intérêt grandissant pour les créations d’Alvar Aalto. Le New Look de Christian Dior. De même, la collaboration du finlandais Eero Saarinen’s avec l’américain Charles Eames va inspirer de nombreux architectes et designers à évoluer vers des formes plus libres et organiques.
Ses œuvres
Le Heart Chair, datant de 1959, peut être vu comme l’un des premiers exemples d’un meuble typiquement Pop avec une forme symbolique et un nom créateur d’association d’images. L’aspect fonctionnel (une chaise pour s’asseoir) s’efface au dépend de l’aspect communicative dans l’utilisation d’une image universelle.
Plus tard suivront d’autres meubles qu’on pourra caractérisés comme typiquement Pop. Le plus connu étant bien entendu le Panton Chair datant de 1967, qui avec ses fortes couleurs et son dessus brillant et une production 100% industrielle, est une extravagante réalisation des idéales du Pop. Comme chez d’autres créateurs contemporaines : Raco Rabanne, Joe Colombo et Vico Magistrettis, pour en nommer juste quelques-uns, on retrouve à cette période, ces mêmes univers futuriste et fantaisistes venant également de l’admiration pour les voyages dans l’espace (le premier homme atterri sur la lune en 1969)…certains parlent d’une esthétique de voyage dans l’espace. Dans le film « L’Odysée de l’espace » de Kubricks datant de 1968 on retrouve notamment le siège Panton.
Verner Panton, Le « Panton ». Fait d’un seul tenant, il est le fruit de plusieurs années d’expérimentation. Plusieurs étapes furent nécessaires avant d’arriver au résultat final, notamment le siège S développé en contre-plaqué laqué, donc Thonet va enfin accepter la production en 1965. Parallèlement Panton expérimente avec le modèle en plastique, qui en 1960 va aboutir à un premier prototype en Polysteron développé avec le producteur de plastiques danoise Dansk Akrylteknik, sans que ce modèle soit prêt à une utilisation, mais Panton va l’utiliser en tant que modèle d’exposition en voyageant à travers l’Europe en espérant trouver un producteur. C’est enfin grâce à Willy Fehlbaum que Vitra acceptera de tenter l’aventure. En 1967 Vitra peut enfin présenter les premières 100 exemplaires faite en polyester renforcé avec du fibre de verre pressé à froid. Exposée à l’exposition de meubles de Cologne en 1968 la sensation internationale fut immédiate. Panton trouve cependant que ce modèle peut être amélioré, et jusqu’en 1971 il va collaborer avec Vitra/Miller, le producteur de plastique Bayer et plus tard BASF, afin de trouver d’autres matériaux en plastiques mieux adaptés et une autre méthode de production, permettant de rendre le siège moins cher, plus léger, avec un finish amélioré ainsi qu’avec la possibilité de l’empiler. Moulée d’une seule pièce dans une résine synthétique, en porte à faux, cette chaise empilable représente au moment de sa création une performance technologique.
A la fin des années 60 les designers Pop vont se rapprocher de la culture hippie et alternative, les anti-guerres et les manifestations d’étudiants, et on va voir naitre, également chez les designers, un mouvement anti-design. C’est l’époque où on voit l’émergence des collectifs et autres alternatifs d’habitation, à l’exemple de Christiania, ou du Thylejeren au Danemark. On cherche des façons alternatives de vivre et d’habiter pour le futur. Panton va notamment avec Visiona et Visiona 2 en 1968 et 1970 proposer une habitation du future, une invitation au voyage, dans un univers fantaisiste, psychédélique, très coloré, rembourré, sans normes, de forme libre, créant une liberté d’utilisation. Il est amusant de noter que Panton ne faisait pas lui-même partie de ces différentes contrecultures ou mouvements hippies…largement trop âgé pour cela ! Mais comme beaucoup de créateurs, il s’inspirait des mouvements émergents et ce qu’aujourd’hui on appellerait street culture, ou culture de la rue.
Vue du Visiona 0 réalisé pour Bayer en 1968. Suite à la collaboration avec la société de chimie allemande Bayer, autour du siège Panton, ils lui proposent, dans le cadre de l’exposition annuel de mobilier à Cologne, de réfléchir à des nouvelles idées d’utilisation de leur nouveau matériau Dralon (une fibre acrylique de grande résistance). Le concept fut une exposition sur un bateau installé sur le Rhin. Ce projet sera plus tard connu comme le bateau-Dralon ou Visiona 0. L’idée était de rendre visible les utilisations possibles du dralon ainsi que d’autres matériaux à travers des exemples concrets de design, pour ainsi créer une plus grande visibilité et intérêt pour la société Bayer. Mission réussie pour Panton : les visiteurs rentraient dans un univers parlant aux différentes sens, dans une immersion totale …la création était excentrique, fantaisiste et une expérience de couleurs, d’odeurs et même tactile hors du commun. C’est dans cet intérieur spectaculaire que Panton va présenter sa nouvelle lampe le Flowerpot.
La plus fameuses vue de Visiona 2. Fait par Panton pour Bayer en 1970. Panton renouvelle l’expérience en 1970, avec Visiona 2. Dans ce milieu d’intérieur spectaculaire, le visiteur pouvait déambuler à travers des espaces différents avec chacun son caractère différent. La préoccupation presque maniaque de Panton avec tous les détails dans chaque espace : textiles, lumière, formes des meubles, ainsi que son utilisation impressionnante des couleurs, faisait de cet intérieur une expérience totale pour le visiteur. Le plus impressionnant était l’espace de meubles de 48m2 où le visiteur était inondé dans une mer de couleurs et formes courbes comprenant également un univers sonore.
Les nouveaux matériaux et technologies de production
La fabrication du design de Verner Panton ne fut possible uniquement grâce aux recherches et avancées ayant eu lieu à l’entre-deux-guerres, et pendant la Seconde Guerre mondiale. A l’image des expérimentations d’Eames & Saarinen avec Hermann Miller, et au Danemark la collaboration entre Arne Jacobsen et le producteur Fritz Hansen autour des meubles en contre-plaqué et en plastiques, Panton va pendant toute sa vie expérimenter avec des plastiques et autres matériaux synthétiques en collaborant avec des fabricants, ingénieurs et techniciens. Il sera notamment celui qui va le premier développer un siège en seul morceau produit en un processus en 1967 en collaboration avec Dansk Akrylteknik.
Créateur de lampes – le Flowerpot (1968)
Si Panton est surtout connu pour la création du siège qui porte son nom, et ses conceptions Visiona 0 et 2, il fut également un très habile créateur de lampes. La lumière et la mise en ambiance furent des éléments primordiaux lors de ses créations d’œuvres d’art totale. L’un des exemples fut la célèbre flowerpot créé en 1968 et présenté lors de Visiona 0. Grâce à son amitié avec Poul Henningsen il entame très tôt une collaboration avec le fabricant danois de lampes Louis Poulsen, qui va notamment produire le Flowerpot.
Ainsi peu de designers du 20ème siècle se sont autant intéressés à la lumière et aux sources artificielles de lumière que Panton. Entre 1955 et 1998 il va designer plus 25 lampes différentes, la plupart jouant un rôle intégrale dans son art de l’espace. Panton voyait la lumière, ou plutôt l’illumination des espaces comme une nécessitée fonctionnelle. Sa façon de penser la lumière était en forte contraste avec la traditions fonctionnaliste de lumière prédominant depuis les années 20, ainsi il est amusant de penser au fait que c’est pourtant Poul Henningsen, l’un des représentants le plus promirent du design de lampes fonctionnalistes qui fut sa source d’inspiration quand à sa fascination pour la lumière.
Dans les aménagements d’intérieur de Panton, les lampes sont beaucoup plus que justes de sources de lumière. Elles constituent des éléments intégrales et riches de la totalité de l’espace – soit comme des radiants, des objets poétiques ou pour définir ou limiter un espace. Car le design de Panton commence toujours avec une fonction clairement définie – « fonction » compris dans le sens large du mot, c’est à dire en faisant référence à l’ambiance et fonction souhaité de l’espace.
Le design de Panton est souvent basé sur des formes géométriques simples, utilisés d’une manière classique, dans le sens architectural du terme, comme des blocks de construction. Les formes les plus fréquemment utilisées sont les carrés et les cercles. Dans ses compositions 3D, comme le mobilier et les lampes ces formes apparaissent comme des cubes, des anneaux, des sphères et des sections sphériques, et généralement dans des compositions mathématiques simples comme 1 : 2, 1 : 4 ou 1 : 8.
Le design des environ 25 lampes peut être partagés en deux groupes majeurs. Le premier inclus les lampes avec des formes géométriques simples par exemple le sphère ou le hémisphère. L’autre groupe inclut les lampes avec des formes organiques, rampantes, avec des formes grandissantes. Cette catégorie de lampes consiste en des petits éléments interconnectés comme par exemple les disques, sphères et spirales. Ainsi les cercles et les sphères sont les éléments formels fondamentales de beaucoup de Pantons lampes : Le Topan, le Flowerpot (1968), le Wirelamp (1974), le Spylamp (1971), le VP Globe (1970) et la lampe Panto (1977).
Concernant le Flowerpot, c’est l’aspect visuel qui a donné son nom à cette lampe, ressemblant à une fleur lumineuse. Initialement produite par Louis Poulsen, elle est aujourd’hui rééditée dans des nouveaux coloris chez le fabricant danois &Tradition.
A l’époque cette lampe introduit un nouveau thème formel chez Panton basé sur la sphère et le hémisphère dans les proportions 2 :1, c’est à dire que le diamètre du haut fut le double de l’hémisphère du bas. Comme les lampes utilisés pour le projet « Kom-igen » celui-ci reflète également une façon spécifique de penser la forme dans l’espace. Fonctionnellement parlant, elle donnait la lumière, tout en masquant la source lumineuse, c’est à dire avec une ombre vers le bas et un réflecteur vers tourné vers le haut. C’est à dire avec de la lumière indirecte. Elle était au même temps créateur d’image et très sculptural. Elle peut être suspendue seule ou en « grappes ».
Panton utilisera ultérieurement Flowerpot, notamment lors de l’aménagement des bureaux de la revue allemande Der Spiegel, au plafond de la piscine au sous-sol.
Concernant le projet Flowerpot, Panton a raconté, comment cette lampe, ne fut pas construite en pensant à Louis Poulsen. Mais qu’on travaillant dessus, le directeur de vente de L. Poulsen de l’époque, Kristian Hertzum, est passé le voir, et en lui montrant la lampe il aura dit « Nous la voulons » ce sur quoi Panton a repondu « Je n’ai pas le temps de discuter de cela maintenant, dans une demi-heure nous partons pour Munich », « Quand revenez-vous ? », « dans 2-3 jours », « Cela vous dérange-t-il si je vous attends ici ? ». Il était toujours là quand nous sommes revenus, et ils ont eu la lampe. La lampe fut en métal émaillé et l’intérieur et l’extérieur de la lampe pouvaient être dans des coloris différentes.
Le Flowerpot devient rapidement très populaire au Danemark et 240000 exemplaires furent vendues pendant la première année de production. Elle fut produite en orange, rouge, bleu, violet, turquoise, blanc, noir ou en acier poli, et pouvait être utilisée individuellement ou en groupe. En raison du grand succès, Louis Poulsen va rapidement introduire, dans la même série, une lampe de table, une lampe de jardin, ainsi qu’un modèle élargie du modèle initiale.
Cette année la société danoise &Tradition a sortie le Flowerpot dans des nouveaux coloris, remettant au goût du jour, cette lampe très populaire de Panton.
Suite au grand succès du Flowerpot, Panton va parallèlement avec son travail sur les expositions Visiona travailler sur plusieurs projets de lampes. Il va d’abord faire une version de table et de jardin de cette lampe, et ensuite d’autres modèles basées sur les mêmes principes que le Flowerpot. Par exemple le Wire-lampe (1972), et l’un de ses futurs grands succès, Panthalla (1971), ainsi que le VP Europa (1977), qui peut faire penser à certaines lampes de Poul Henningsen. Son travail intense avec l’hémisphère va également donner VP Globe (début 1970) et la lampe Panto (fin 1980).
Sources
En danois : Engholm, Ida, Verner Panton, coll. Danske Designere (sous la dir. Poul Erik Töjner), Copenhague, Aschehoug, 2004
En anglais : Bernsen, Jens, Verner Panton : Space, Time, Matter, Copenhagen, Danish Design Center, 2003 Remmele, M., Vegesack, A. von, Verner Panton : the collected works, Weil-am-Rhein, Vitra Design Museum, 2000
Plus d’informations : Verner Panton, Andtradition
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Merci pour cet article merveilleux Panton avait compris avant l’importance de travailler avec des matériaux innovant Innovant pour l’époquePolluant et indésirable aujourd’hui certes Mais aujourd’hui jeune designer C’est pas avec du plastique qu’on va s’amuser c’est avec des briques de terresC’est moins glamour Mais c’est pas plus mal pour la planet
Je vous aime
L’histoire du design continue et evolue avec l’evolution de la technique. Il est clair que l’évolution vers une réduction dimensionnelle des sources et de l’efficacité lumineuses ( led) a entrainé l’emergence des diffuseurs concaves ou plats à la place des domes et de disques frontaux de taille plus réduites qui remplacent les demi sphères. Depuis des années, j’ai changé de BMW et pas simplement sa couleurhttp://blog.verner-panton.de/wp-content/gallery/archiv_kaufhof_flowerpot/bmw_museum_flowerpot_red_rot_verner_panton.jpg
Sur ce chemin creatif et REcreatif le designer espagnol Joan Gaspar et d’une façon moins lisible et plus subtile Ferreol Babin http://www.marset.com/wp-content/uploads/post/joan-gaspar-habla-de-la-coleccion-ginger/Joan-Gaspar-working-on-the-Ginger-2-470×313.jpg
L’idée est simplissime facile à dessiner et à produire car geometrique et non biomorphique comme sa chaise qui porte son nom. C’est une suspension une demi sphere plus petite qu’un grand dome enveloppant pour pouvoir être repété en differentes couleurs pop comme un Warhol… avec une plus petit hemisphere au dessous qui reflechit une partie de la lumière. La presentation en grappe permet d’en vendre plus… C’est la même leçon de marketing management qu’à utiliser Tom Dixon