La revue d'architecture et de design
Bindu : redéfinir nos rapports à l’eau par le design rituel

Comment un objet de la vie quotidienne peut-il nous aider à améliorer nos usages de l’eau ? Le projet Bindu, porté par le designer Akhil Krishnan, propose une réponse poétique, là où le design peut aider à embarquer le grand public.
Le terme bindu, en cosmologie, évoque à la fois le point originel, la goutte d’eau, le lien entre l’invisible et le tangible. C’est cette tension entre l’éphémère et le fondamental que Krishnan exploite pour inviter à revisiter nos gestes et habitudes.
Trois objets, trois rituels : Pāvita, Sanchaya, Kalasha
Le projet s’articule autour de trois artefacts, chacun conçu pour révéler les cycles de l’eau à l’œuvre dans nos routines.
- Pāvita : un outil de nettoyage à sec conçu pour la vaisselle, tirant parti de granulés issus de bouchons de liège recyclés. Dans certaines régions à ressources hydriques limitées, des pratiques de nettoyage sans eau existent déjà ; Pāvita réinterprète cette approche en valorisant le pouvoir abrasif, antimicrobien ou absorbant du liège, tout en donnant une destination aux déchets viticoles. Un peu comme les éléments de lavage, avec du sable ou autres abrasifs.
- Sanchaya : un couvercle de cuisson conçu pour condenser la vapeur et la restituer sous forme d’eau récupérable. Par une surface vitrée transparente et un réservoir céramique interne, il rend visible le cycle d’évaporation-condensation, et encourage une relation plus réfléchie à l’eau utilisée lors de la cuisson.
- Kalasha : un récipient combiné de type vasque et filtreur d’eaux grises, inspiré des formes traditionnelles indiennes telles que le lota. Fabriqué en argile récupérée (notamment provenant de chantiers londoniens), avec un système de filtration mêlant céramique, charbon et granulés de liège, il permet de recycler de l’eau domestique non potable pour des usages secondaires.
Ces trois objets forment un dispositif complet : ils interviennent successivement dans les moments de vaisselle, de cuisson et de récupération. Ensemble, ils cherchent à évoquer une conscience, non intrusive mais continue, autour de l’eau.
Un projet, faisant écho au projet de conversation des aliments de manière lowtech.
Matériaux récupérés, savoirs autochtones, conception contemporaine
Bindu se distingue par sa démarche de design vernaculaire : il infuse des savoirs locaux, des pratiques ancestrales, dans des contextes contemporains. Krishnan questionne forcément nos usages en tissant mémoire culturelle, histoire matérielle et exigence écologique.
L’usage de matériaux récupérés est central : liège de bouchons, résidus vinicoles (utilisés pour teindre des surfaces), argile issue de chantiers, charbon, etc. Chaque composant contribue à réduire la dépendance aux matériaux synthétiques, tout en introduisant une dimension narrative dans l’objet par sa provenance, ses traces, ses transformations. Le projet souligne aussi l’importance de rendre visibles des processus habituellement invisibles (évaporation, filtration, récupération), afin d’élargir la conscience du cycle de l’eau dans l’environnement domestique.
Bindu se présente comme une proposition prospective plutôt qu’une solution technologique définitive. Le projet suggère que les objets domestiques même modestes peuvent devenir des médiateurs sensibles entre l’humain et les éléments naturels.
Plus d’informations sur le projet : Akhil Krishnan