La revue d'architecture et de design
ZOOM M&O PARIS – ECAL MADE Projet étudiant : Interview de Hugo Paternostre et de son projet la grappe
En cette édition de Janvier 2019, MAISON & OBJET PARIS a permis aux étudiants en première année de Master Design de produit de l’ECAL (École Cantonale d’Art de Lausanne) de se confronter aux enjeux du métier de designer, de l’idée jusqu’à la fabrication et la vente. Ces objets “ECAL made”, objets du quotidien réalisés en Suisse avec l’aide, pour la plupart, d’artisans locaux, en sont l’heureux résultat. Un “Swiss made” qui a le mérite d’être des plus surprenant. Parmi ces projets exposés, Hugo Paternostre y présentait La Grappe, une combinaison de vin et de chocolat en une seule bouchée.
– Hugo, Peux tu nous en dire plus sur toi, ton parcours ?
– Je m’appelle Hugo Paternostre, je suis né en Belgique et j’ai étudié mon bachelier à La Cambre à Bruxelles. Trois années pendant lesquelles j’ai effectué un stage chez Alain Berteau et où j’ai travaillé sur différents projets mêlant architecture et design avec mon frère, architecte, Boris Paternostre. Après mon bachelier j’ai décidé de prendre une année pour effectuer un stage chez Richard Hutten – qui fût un acteur important de Droog design – à Rotterdam. Le but était de travailler le design sous toutes ses formes. J’ai été finalement engagé au sein de ce même studio avant de le quitter pour commencer un Master Design de produit à l’ECAL. Aujourd’hui, le plus important dans ma pratique du design consiste en le fait d’être conscient de l’impact que chaque objet
produit peut avoir, en poussant toujours plus loin le champ d’action conventionnel du design ainsi que son rôle.
– D’où t’es venue l’idée de La Grappe ?
– L’idée du projet “La Grappe” visait à combiner le vin et le chocolat dans une seule bouchée. C’est en effet une combinaison connue et appréciée en terme de goût. Cependant, cette association reste un moment occasionnel. Deux cépages sont disponibles: le pinot noir et le chasselas. Etudiant à l’ECAL, il m’a semblé légitime de développer ce produit car Lausanne est une ville riche en chocolateries et la région voisine de Lavaux compte bon nombre de vignobles. Cela a donc permis de développer ces chocolats en mettant en avant deux savoir-faire locaux.
– Comment le projet s’est-il développé ensuite ?
– Tout d’abord j’ai fait une recherche à propos du type de chocolat et des vins propices à s’intégrer au projet. Pour ce faire, j’ai pris contact avec un œnologue et différents chocolatiers. Ensuite je me suis mis à la recherche d’une chocolaterie à Lausanne qui soit prête à se lancer dans ce projet qui, au commencement, était aussi expérimental qu’incertain. C’est finalement Christophe Moret qui m’a ouvert les portes de son laboratoire dans lequel nous avons discuté et mis en place différentes alternatives afin de réaliser ce projet. Le but était d’arriver à un résultat final simple et rationnel en terme de production en éliminant toute complexité superflue pour répondre aux potentielles commandes à venir.
Nous nous sommes fixés différents rendez-vous afin de travailler sur ces questions ensemble. Il s’agissait donc de trouver une solution pour approcher au plus cette balance entre le vin et le chocolat en bouche. Nous avons finalement décidé de partir d’une recette classique afin d’avoir une base de départ solide et nous l’avons modifiée tout en respectant l’équilibre de la composition qui est importante à la fixation des ingrédients entre eux et à la qualité du chocolat dans le temps. Il fallait donc jouer sur un terrain contraint qui laissait peu de marge de manœuvre à la modification.
Une fois cette composition modifiée, nous l’avons enfermée dans une sphère creuse moulée en barbotine. Différentes expérimentations sur les poudres alimentaires de l’enveloppe ont permis d’arriver à une couleur métallique qui mette en valeur chaque sphère en lui conférant le statut d’objet et qui différencie les cépages l’un de l’autre.
Certaines normes ont été établies afin de créer une identité commune entre chaque objet de la collection de la collection ECAL Made. Le contexte du salon demandait aux packagings d’aller à l’essence du projet pour être limpide aux yeux du public. J’ai profité du packaging et du nom pour faire référence à l’univers du vin afin que le produit explique de lui même le concept. La disposition des sphères met non seulement en valeur les chocolats mais rappelle aussi abstraitement la grappe de raisin. J’ai dû prévoir le scénario d’achat et donc trouver des moyens simples pour fermer et protéger les boîtes hermétiquement en utilisant le moins d’éléments possible par souci d’écologie et d’efficacité de production.
– Quels ont été les obstacles rencontrés au cours de ce projet ?
– Le vin ne perdure pas dans le temps, il a donc fallu adapter la recette afin de le lier au chocolat sans ajouter aucun additif.Utiliser les propriétés du cacao et du sucre présents dans la composition a considérablement allongé la longévité du vin dans le temps.Il a aussi été question de travailler la texture en jouant sur les proportions de la composition et en respectant l’équilibre important à la fixation des ingrédients entre eux. Si j’ai désiré contrôler la consistance de la texture et la rendre onctueuse, c’est non seulement par souci d’approcher au plus l’expérience entre le chocolat et le vin (en faisant le contraste avec la solidité de la coque de la sphère), mais c’est aussi pour éviter de laisser l’air s’infiltrer car cela pourrait rapidement créer une cavité générant de l’humidité et donc de la pourriture à court terme. Aussi, la forme de la sphère a été choisie car c’était la forme la plus logique afin d’éviter toute infiltration d’air. La sphère se prêtaitaussi très bien à l’idée de recréer cette disposition abstraite de la grappe pour le packaging.
– En finalité, comment la réalisation se déroule-t-elle?
– La réalisation se déroule en 4 étapes:
– Préparer la composition (lier le vin au chocolat).
– Insérer cette composition dans chaque sphère creuses en chocolat.
– Coloration des sphères avec un coating de couleurs alimentaires.
– En parallèle il faut réaliser le packaging.
– Une dernier mot ?
Pour conclure, ce qui était intéressant dans ce projet, c’était de mettre les pieds dans un milieu que je ne connaissais pas, avec des contraintes que je ne connaissais pas. Tout le projet n’était à la base qu’une idée expérimentale, et d’avoir pu fixer tous les problèmes afin de rendre le produit vendable et productible enpetite série en seulement 3 mois de développement, ça a vraiment été un soulagement. Aujourd’hui je peux répondre aux commandes que l’on me passe dans un délai très court.
Plus d’informations sur le designer : Hugo Paternostre
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