La revue d'architecture et de design
Reportage : EMPREINTES, concept-store
Rencontres avec Morgane Couteller, directrice de la marque et Aude Tahon, présidente des Ateliers d’Art de France et à l’origine du projet.
Comment est né le projet “Empreintes” et pourquoi ce titre ?
A.T.
C’est un projet porté par Ateliers d’Art de France. Ateliers d’Art de France est un syndicat professionnel des métiers d’art, où nous sommes tous professionnels en activité.
Nous sommes 12 dans ce conseil élus par d’autres collègues et nous représentons en tant que membres adhérents 6000 ateliers.
Ateliers d’Art de France a toujours eu pour vocation de permettre le développement économique des professionnels des métiers d’art. Le syndicat existait avec un salon qui est aujourd’hui le salon Maison & Objet dont nous sommes toujours propriétaires à 50%. Cela a été une première action avec un salon qui met en lien des professionnels de métiers d’art et le marché.
Au fur et à mesure des années, d’autres actions se sont greffées à cette première et il y a eu les premiers lieux de ventes jusqu’aux “Boutiques Talents” qui suivent cette évolution.
Le lieu Empreintes est résolument contemporain et à notre image avec la représentation des ateliers et de leur dynamique, mais ce n’est pas la première boutique.
Il y a eu deux ans de gestation sur le projet issu d’un constat sur les premières boutiques. L’idée était d’arrêter de mettre en scène les métiers d’Art avec un esprit poussiéreux, détaché du contemporain et de la création.
On a mis deux ans à travailler ce projet, à trouver le lieu dans un quartier adapté et de dimension internationale. Le but était de viser le grand public et montrer que les métiers d’Art ne sont pas forcément un luxe. Il y a une diversité d’offres qui recouvre tous les secteurs de la maison.
Le lieu se voulait être un lieu chaleureux, accueillant avec la diversité de chaque créateur.
Chaque pièce raconte son histoire, celle de son créateur.
Empreintes, c’est la trace de chacun, c’est l’empreinte du créateur non seulement par le geste mais aussi par la pensée et l’expression.
L’effet de proximité est assez bien ressenti dans les cellules créateurs où on est incité à toucher, à observer…
M.C.
Par rapport à l’ancienne boutique, on a vraiment adopté des codes magasin, on voulait désacraliser les métiers d’art, faire en sorte que les gens se sentent dans un endroit chaleureux et accessible, aux antipodes du musée. Les cellules créateurs permettent de faire une piqûre de rappel et de dire que derrière chaque objet présent chez Empreintes il y a un homme ou une femme qui a pensé, créé l’objet. Vous avez des portraits de créateurs qui constituent cette communauté.
A.T.
Les cellules créateurs permettent de faire un focus sur un travail, de rentrer un peu plus dans l’atelier et défendent le “fait à l’atelier”. On crée et on fabrique, mais il n’y a pas de séparation entre un designer qui pense les choses et un artisan d’art qui vient les réaliser. Il y a une unité de démarche et les objets sont à l’image de l’atelier dont ils sont issus.
Vous avez des créateurs qui mettront de l’humour dans leurs pièces, d’autres qui seront sur de l’esthétisme ou de la géométrie avec un travail plus architectural ou poétique. Il y a une diversité d’expression.
Ateliers d’Art de France est un outil. On veille dessus et on y tient beaucoup. Le syndicat existe depuis 1848 et a été créé pour être au service des ateliers. Nous, dans la continuité, sommes les garants de ce bien commun qui nous aide à nous développer. Le concept-store est conçu sur des analyses économiques. Les métiers d’art sont accessibles, le grand public doit pouvoir se l’approprier, pouvoir acheter des pièces d’atelier à 15 euros.
Les métiers d’art étaient restés dans l’ombre pendant une période et là on les retrouve depuis quelques années…
A.T.
Quand on vous parle de métier d’excellence quelque part on vous met sous cloche. Cela peut avoir l’air très valorisant et en même temps ça peut faire de l’ombre, masquer toute la dynamique d’un secteur qui est derrière. Pendant des années on a été mis là-dedans sans avoir la reconnaissance d’un secteur à part entière.
M.C.
En terme de luxe, le savoir faire à la française est une image que le public adore qui se transmet à l’étranger. Mais l’image du luxe peut être très limitée et limitant.
Quelles sont les différences entre Empreintes et un magasin dit classique ?
A.T.
Il y a une volonté de mise en valeur mais qui n’est pas sous les mêmes valeurs de l’exposition ou du musée qui se veut quelque chose d’inaccessible. Il y a cette idée de pouvoir boire son café dans une tasse de créateur à l’espace de restauration par exemple.
On a travaillé avec le cabinet d’Elizabeth Leriche à l’inverse de ses habitudes de travail et avec cette volonté de mettre en valeur de manière collective et neutre.
M.C.
Devant chaque création, vous avez uniquement le nom de son créateur avec une histoire sur sa démarche artistique et non pas celui de Empreintes. Empreintes passe en second comme intermédiaire.
Entretien avec
Elizabeth Leriche, scénographe
Quel a été votre parcours ?
E.L.
Je travaille depuis 25 ans dans le domaine des salons professionnels. Je m’occupe depuis plusieurs années de “Craft” un espace des métiers d’art dans le hall de Maison & Objet, où on présente l’artisan d’art de France. Ateliers d’Art de France a alors fait appel à nous pour la scénographie de ce lieu, Empreintes, un concept-store de 600m².
Notre bureau de style synthétise l’air du temps et met en scène des expositions, des pop-up stores. Nous avons une vision globale dans la création. Nous accompagnons entre autre La Redoute Intérieurs, on devient alors un guide pour savoir quels couleurs, quels styles…etc.
L’ accompagnement est personnalisé selon la demande du client.
Nous avons un métier d’antenne où on capte tout ce qui peut nous nourrir pour comprendre l’époque.
Empreintes suit un renouvellement dans la création et beaucoup de jeunes aiment dépoussiérer ces métiers.
Ce sont les objets par leur forte personnalité qui ont le fil directeur de la mise en scène chez Empreintes. La présentation semble être au service de l’objet…
E.L.
Ce lieu est une plate-forme ouverte à tous les artisans d’art. Il fallait articuler les choses pour qu’il y ait un sens et pour valoriser les objets dans cet écrin.
Il a fallu définir des zones plus commerciales comme la boutique cadeaux avec des prix accessibles, des pièces plus prestigieuses dans les étages, la zone mobilier/luminaire, un cabinet de préciosités avec les bijoux. On est guidé par les objets avec un fil conducteur et une trame pour les ranger dans des catégories. C’est un peu l’objet qui prend le pouvoir.
On a créé ce lieu évoquant un atelier avec des tasseaux de bois et l’installation de tréteaux pour valoriser le travail de céramistes.
Les artisans font les choses à la main, prennent le temps de les faire et, dans ce sens, l’idée était de marquer une pause chez Empreintes. On déambule dans un espace atypique.
Au dernier Maison et objet, j’ai fais une exposition sur la thématique du silence. Dans une société où l’on doit tout le temps être connecté et saturé d’images, de bruits, l’idée était d’exprimer le besoin de revenir à l’essentiel. Les mains dans la terre ou en sculptant le bois on se reconnecte avec soi-même, à l’essentiel. Aujourd’hui il y a une vrai quête de singularité. On prend le temps de regarder l’objet dans une société complètement paradoxale et c’est le luxe de cette promenade.
Derrière l’objet on retrouve la place de l’humain, on a besoin d’empathie et il y a cette notion de partage. Et aujourd’hui les gens sont en perte de sens et de valeur.
En tant que scénographe on s’est laissé complètement porté par les émotions ressenties dans le lieu.
Empreintes est un lieu de déambulation et de poésie où l’on aime s’attarder. Le concept-store cultive l’idée de prendre racine et de s’imprégner d’un lieu, d’un univers.
Elizabeth Leriche s’appuie sur cette idée pour mettre en scène et valoriser des objets aux fortes personnalités, à l’aide de couleurs apaisantes (bleu, vert) et de matières brutes proches de l’Homme (bois, métal). L’objet prend le pouvoir, dirige et oriente toute la scénographie.
A l’écart de la rue le bâtiment laisse paraître la lumière par de grandes baies à la manière d’un atelier. L’existence d’un tel espace dans un quartier de Paris est rare. Empreintes devient presque un lieu thérapeutique et réconfortant en plein cœur de Paris et tend à rapprocher l’Homme de l’essentiel.
Chaque espace est bien défini et se raccorde aux autres avec la bibliothèque, le café Season, les espaces d’expositions et la salle de projection, où une sélection de films est actualisée chaque trimestre, tout comme les différentes expositions.
L’exposition CRAZY donne un grain de folie et met en avant les créations de la céramiste Kaori Kurihara et du doreur ornemaniste Xavier Noël.
L’atelier et le fait-main viennent à nous et cassent certaines idées poussiéreuses par une image contemporaine.
L’artisan est radicalement proche du grand public. Il met du cœur à créer, pense, fabrique et offre des pièces d’expression.
Empreintes expose 270 créateurs à la fois avec plus de 1000 pièces.
C’est une des réussites d’Ateliers d’Art de France qui vise la vente des produits artisanaux à l’international et qui sera assorti dans son développement d’une plate-forme e-commerce.
Un grand merci à Aude Tahon, Morgane Couteller et Elizabeth Leriche.
Plus d’informations sur l’exposition : EMPREINTES
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Crédit photo : Guillaume Rousselle
J’ai hâte de visiter ce lieu ! Quand est-ce que les Métiers d’Art vont poser leur empreinte en région ?